première apparition du Surfer d'argent

Le Surfer d’argent (the Silver Surfer) apparaît pour la première fois à la page sept du numéro 48 de la série mensuelle Fantastic Four, en mars 1966, aux côtés d’un autre nouveau personnage, Galactus, le dévoreur de planètes, ce dernier donnant son nom à l’épisode : « The coming of Galactus » (« L’arrivée de Galactus ») !
Le Surfer d’argent est d’ailleurs créé par Jack Kirby pour servir de héraut à Galactus, celui servant d’antagoniste aux Quatre Fantastiques le temps d’un arc narratif de trois épisodes, intitulé depuis « The Galactus Trilogy ». Le Surfer d’argent est donc d’abord un éclaireur (il est qualifié de « scout ») : c’est lui qui cherche des planètes que son maître peut consommer.
Jack Kirby dessine le Surfer d’argent sous une forme humanoïde argentée, très épurée, dont l’accessoire principal est bien sûr le surf. En somme, un homme musclé, nu (mais pudiquement dépourvu de parties génitales visibles), à la peau brillante. Cette esthétique est restée celle du personnage jusqu’à aujourd’hui !

La case

première apparition du Surfer d'argent Jack Kirby Stan Lee
Deux cases de la page 7 du numéro 48 de la série Fantastic Four, mars 1966. Le dessin est de Jack Kirby, le texte de Stan Lee, l’encrage de Joe Sinott, le lettrage d’Artie Simek.

La case ? Accordons-nous deux vignettes pour cette première apparition ! Dans la première le Surfer d’argent n’est en effet qu’une distante silhouette blanche qui vole entre des planètes et les fameux « Kirby dots », ces points épars qui donnent l’impression d’une énergie frémissante. Kirby choisit d’abord de suggérer la vitesse et l’aisance de déplacement du personnage, traçant une ligne blanche aux virages brusques, qui se distingue sur le fond noir ou bleu de l’espace qu’il représente. On distingue bien une vague silhouette humaine, blanche, sur le fond bleu qui forme aussi une courbe complexe.
La case suivante permet au lecteur d’en voir plus, comme s’il y avait un zoom sur le personnage en pleine action. Les lignes blanches qui donnent l’impression de mouvement sont toujours présentes, leur courbure rappelant celle des planètes qu’on aperçoit en fond et auxquelles sont attribuées différentes couleurs. Si le Surfer paraît blanc, du bleu est aussi utilisé pour suggérer des ombres (le texte de Stan Lee, qui a tendance à prendre de la place, a le mérite de fournir le nom du personnage et de préciser que le blanc du Surfer est en fait de l’argent !). On distingue aussi clairement la planche de surf, traversée elle-même de plusieurs lignes qui peuvent paraître quelque peu superflues : pour un peu, on pourrait penser à un missile ! Ce qui peut-être veut contribuer à l’impression de menace. Le Surfer en tout cas, vu encore de loin, paraît assez inhumain : son visage n’est notamment pas bien défini. Mais sa façon de tendre les bras, sa posture, peut certes rappeler les surfers mais aussi les représentations traditionnelles des anges en peinture, et surtout celle des archanges (voir plus bas, le contexte de création).
On a presque l’impression ici que le Surfer se tourne vers le lecteur pour le saluer, tandis que sa planche de surf l’emporte dans une autre direction !

Surfer d'argent ange rebelle
La chute des anges rebelles, 1660-1665, peinture de Luca Giordano.

Le scénario

Pour plus de détails sur le scénario d’ensemble de « The coming of Galactus », voir ici. Ce résumé se concentre davantage sur ce qui concerne le Surfer d’argent.
Les Quatre Fantastiques ont échappé de justesse à une zone négative qui isole désormais les Inhumains du reste de la Terre. Ils n’ont d’autre choix que de rentrer chez eux, à New York.
Pendant ce temps, le Surfer d’argent parcourt l’immensité de l’espace et se rapproche peu à peu de la Voie lactée.
De retour à New York, les Fantastiques essaient de comprendre pourquoi le ciel semble envahi par des flammes immenses et se retrouvent à devoir défendre un de leurs membres, la Torche humaine, pris à partie par des New Yorkais effrayés et furieux. Les flammes s’éteignent, pour montrer un ciel empli de débris étranges.
Le Surfer se rapproche toujours plus. C’est alors que les Fantastiques reçoivent la visite du Gardien (The Watcher), l’observateur cosmique, qui leur explique que le Surfer d’argent est en route et sert d’éclaireur à Galactus, qui a l’intention de drainer la Terre pour assouvir sa faim. Le Gardien, qui a pourtant fait le vœu de ne jamais intervenir, a essayé de dissimuler la Terre avec des débris spatiaux.
Malheureusement les débris attirent l’attention du Surfer d’argent qui les traverse et découvre la Terre. Les Fantastiques s’efforcent de l’empêcher d’envoyer un signal à son maître, mais en vain. La Chose utilise, trop tard, sa force surhumaine pour précipiter le Surfer d’argent du haut d’un immeuble. La Torche humaine vole pour le rattraper… Mais Galactus arrive !

À lire ici : la première apparition de Galactus !

Contexte de création

Stan Lee et Jack Kirby co-scénarisaient Fantastic Four et s’étaient mis d’accord au sujet de l’antagoniste Galactus, mais c’est Kirby qui a l’idée du Surfer d’argent et l’ajoute en dessinant le numéro 48. Stan Lee, qui doit ajouter la narration et les dialogues, découvre le personnage avec les dessins !
Lee rapporte tout cela à sa façon dans un entretien de 1995 [1] : « Là, au beau milieu de l’histoire que nous avions si minutieusement préparé, se tenait un cinglé sur une espèce de planche de surf volante.
« Ok, ai-je dit, toujours calme et raisonnable, toujours désireux de donner à l’autre personne le bénéfice du doute. Il est évident que ton esprit s’est égaré quand tu as dessiné cette petite chose fantaisiste et inutile. Combien de temps te faudra-t-il pour l’effacer ? »
Solidement établi derrière son sempiternel cigare, Jack m’a lancé un de ses fameux regards kirbyesques. « Non, je ne blaguais pas quand je l’ai dessiné, Stan. Je me suis simplement rendu compte qu’un type aussi puissant que Galactus devait avoir son héraut à lui, quelqu’un qui s’occupe de voler alentour et de trouver des planètes pour qu’il les engloutisse. Voilà donc qui il est. Je lui ai donné la planche de surf volante parce que je suis fatigué de dessiner des vaisseaux spatiaux. »
Et donc, plus j’observais la silhouette sur la planche de surf, plus elle me plaisait. Mais je me suis aperçu de quelque chose dont Jack lui-même n’était peut-être pas conscient. J’ai discerné une noblesse dans la façon dont Jack l’avait dessiné, une impression de mérite, de bonté, de — autant que je le dise — de spiritualité. Tel que dessiné par le génie de Jack Kirby, il était bien plus qu’un quelconque laquais loufoque au service du super-vilain principal. À mes yeux, il était l’honneur et la vertu personnifiés. Et j’ai su que c’était de cette façon que je devais l’écrire ! »
Mais Kirby avait eu l’occasion de formuler sa version des faits dans un entretien de 1990 [2] : « Ma conception du Surfer d’argent, c’était un être humain venu de l’espace avec cette apparence précise. Il est apparu quand tout le monde s’est mis au surf — je lisais des choses à ce sujet dans le journal.
En Californie, les gamins commençaient à surfer. Je ne pouvais pas dessiner un adolescent ordinaire qui faisait du surf, donc j’ai dessiné une planche de surf qui portait un homme venu du fond de l’espace. »
Kirby revendique par ailleurs la dimension spirituelle du personnage dans un entretien de 1983 [3] : « J’avais le Surfer d’argent, et soudainement j’ai réalisé qu’il s’agissait là de la situation dramatique entre Dieu et le diable ! Le diable lui-même était un archange. Le diable n’était pas laid — c’était un beau mec ! Il était le gars qui défiait Dieu. »
En 1987, Kirby disait encore à Ken Viola [4] : « Le Surfer d’argent, bien sûr, est l’ange déchu. Quand Galactus l’a relégué à la Terre, il est resté sur Terre, et ça a été le début de ses aventures. »
On sait que, par la suite, Kirby et Lee se sont fâchés, et la question de qui a créé quoi est devenu un enjeu financier, d’autant plus ces dernières décennies avec le succès des films de super-héros au cinéma. Il est certain que Stan Lee adorait le Surfer d’argent, pour lequel il a créé une série en août 1968 avec John Buscema au dessin, et demandant par la suite que d’autres scénaristes évitent d’utiliser le personnage. Il voulait être le seul à l’écrire, ce qui sera le cas jusqu’en 1987 !
Mais en 1971 Kirby, ayant alors quitté Marvel, déclare [5] : « J’ai créé le Surfer d’argent, Galactus et une armée d’autre personnages, et maintenant ma connexion avec eux est perdue ».

Au cinéma

Le Surfer d’argent fait sa première apparition dans le film Fantastic Four: Rise of the Silver Surfer de Tim Story, en 2007, sous une forme fidèle à celle des comics. Il est alors interprété par Doug Jones, pour l’apparence, et par Laurence Fishburne pour la voix.
Le film The Fantastic Four: First Steps de 2025, qui se déroule dans un univers alternatif (à celui des comics, déjà !), propose une version féminine du Surfer d’argent, jouée par l’actrice Julia Garner. Il s’agit d’une version de Shalla-Bal, classiquement présentée comme la bien-aimée du Surfer d’argent.

Notes :
[1] Lee, Stan. « The Ultimate Silver Surfer (Berkeley Trade, 1995) ».
[2] Groth, Gary (May 23, 2011). « Jack Kirby Interview – Page 6 of 8 »The Comics Journal #134 (entretien de février 1990).
[3] Mark Borax interview, Comics Interview #41, 1986.
[4] Ken Viola, “Jack Kirby – The Master of Comic Book Art,” transcript of his interview of Kirby for the film, The Masters of Comic Book Art, conducted February, 1987. Published in The Jack Kirby Collector #7, October 1995.
[5] Tim Skelly conducting, “The Great Electric Bird” show, WNUR-FM, Northwestern University (Evanston, IL), 14 May 1971; later published in The Nostalgia Journal 27, Aug 1976.