
On trouve de tout dans les boîtes à livres. Des vieilleries surtout qui ne demandent qu’à reposer en paix. Mais parfois, aussi, des pépites. Cette rubrique vous propose de jeter un coup d’œil sur ces bouquins abandonnés et glanés au hasard de déambulations livresques.
Par Yves-Daniel Crouzet (retrouvez-le sur Facebook !)
L’envie de château
[Boîte à livres d’Issy les Moulineaux]
Je ne suis pas très amateur de pavé littéraire. Le Château de Lord Valentin en est un pour moi avec ses presque 700 pages. Il s’agit d’un planet opera qui n’est pas sans rappeler le cycle de Tschaï (Jack Vance) que j’avais adoré adolescent, l’action en moins.
Côté dépaysement, on n’est pas déçu. Silverberg construit un monde cohérent qui tient plus de la Fantasy que de la SF. Sur Majipoor la planète géante (tiens, encore Jack Vance), la société est très largement médiévale et la science un lointain souvenir. Des races étranges venues des quatre coins du cosmos s’y côtoient paisiblement (on ne sait pas vraiment pourquoi elles sont là et pourquoi elles y restent. Peut-être parce qu’il n’y a pas beaucoup de passages de fusées interstellaires dans ce coin de la galaxie !) Seule l’espèce autochtone (des Métamorphes pouvant prendre l’aspect de n’importe quel être vivant) ne se satisfait pas de cette situation. On les comprend : personne n’aime être colonisé.

Le lecteur suit les aventures d’un souverain amnésique devenu jongleur dans une troupe ambulante, qui part reconquérir son trône avec un aréopage de compagnons disparates (comme c’est étonnant !). Le problème, c’est que Silverberg a tendance à les oublier en cours de route et que, sauf exceptions, ils n’ont guère de relief. Dommage, car on aimerait s’attacher davantage à certains d’entre eux. Les descriptions fouillées raviront les amateurs d’exotisme, mais elles m’ont, quant à moi, lassé.

Fort logiquement, Valentin retrouve peu à peu la mémoire, le charisme et les devoirs qui siéent à un souverain. Après une ultime scène de bataille (en réalité la seule !), il (attention spoiler), défait ses ennemis, révèle la terrible machination des Métamorphes, retrouve son trône, son beau château, et file le parfait amour avec une belle saltimbanque androgyne rencontrée au début de son aventure. Sept autres volumes complètent ce cycle de Majipoor, qui constitue la grande œuvre de Silverberg. Ayant déjà eu quelque peine à arriver au bout du premier, je n’irai pas plus loin.
Du même auteur, je recommande plus chaudement Les ailes de la nuit.

Pour lire en ligne une nouvelle science-fiction de Silverberg : Le retour de la horde (1958).
Pour lire la chronique précédente : La nuit tombe – David Goodis