critique roman de science-fiction l'argent n'a pas d'odeur Gérard Klein

Avec le temps, va

[Boîte à livres de Saint-Etienne]

Gérard Klein est une des figures emblématiques de la science-fiction française. Tout en menant une riche carrière professionnelle d’économiste, il a été romancier, nouvelliste, essayiste, préfacier, critique, anthologiste et directeur de collections. J’en oublie sans doute. Il a aussi écrit plusieurs romans, parus au Fleuve Noir Anticipation, sous le pseudonyme de Gilles d’Argyre.
Quand j’étais ado, il me semblait qu’il y avait deux grands promoteurs de la SF en France : Gérard Klein, l’intellectuel, et sa prestigieuse collection « Ailleurs et Demain » chez Robert Laffont, et Jacques Sadoul, plus populaire, avec sa collection Science-Fiction chez J’ai Lu. (À noter que les titres parus dans la première se retrouvaient souvent ensuite au format de poche dans la seconde). À l’époque, pour des raisons financières, je lisais surtout des J’ai Lu (et encore d’occasion, chinés chez les bouquinistes). Je me souviens, toutefois, d’avoir cassé à plusieurs reprises ma tirelire pour acheter les volumes de la série du Monde du fleuve de Philip José Farmer (découverte dans un premier temps en feuilleton dans la revue Galaxie), que je tiens encore aujourd’hui pour la saga la plus ambitieuse de la SF (cela ne veut pas dire la plus réussie).

Le temps n’a pas d’odeur extrait
Le temps n’a pas d’odeur, extrait de la page 39.

J’avoue avoir éprouvé une certaine crainte en ouvrant Le temps n’a pas d’odeur. J’avais le souvenir d’un auteur assez exigeant (pour ne pas dire difficile). J’ai donc été agréablement surpris. Le temps n’a pas d’odeur est un bon roman. Ça commence comme un space opera et un time opera classique : sept hommes employés par une Fédération galactique jalouse de son hégémonie, sont envoyés dans le temps et l’espace pour modifier le passé de mondes qui pourraient un jour lui porter préjudice (en gros, ce sont ni plus ni moins des barbouzes !). On retrouve dans cet aréopage d’aventuriers, un marin, un alpiniste, un combattant expert, un mauvais garçon toujours prêt à en découdre, un chercheur d’épaves stellaires, un jouisseur mélomane… réunis autour d’un coordinateur, Jorgenssen, plus cérébral. (On se croirait presque dans un Doc Savage !). Nos sept compagnons armés jusqu’aux dents et réputés invincibles, arrivent sur une planète nommée Ygone pour infléchir le cours de son histoire lorsqu’ils sont attaqués par une mystérieuse puissance égale et même supérieure à la leur.

Le temps n’a pas d’odeur extrait
Le temps n’a pas d’odeur, extrait de la page 117.

Privés de leurs armes surpuissantes, redevenus de simples humains, empêchés de revenir à leur base sur Altaïr, les membres du groupe se retrouvent dans une situation précaire inédite. Leur chef, Jorgenssen, décide d’aller seul à la rencontre des habitants de la planète. Il découvre une civilisation douce et sage, menant une existence bucolique, qui bouleverse sa conception de l’univers et l’amène à douter du bien-fondé de sa mission et, plus largement, des interventions de la Fédération. Bien décidés à comprendre qui les a attaqués et pourquoi, Jorgenssen et ses camarades vont s’enfoncer dans les rives du temps sur les traces du mystérieux Dr Arcimboldo Urzeit, mort depuis plus de deux cent cinquante ans, inventeur du voyage temporel.

Le temps n’a pas d’odeur extrait
Le temps n’a pas d’odeur, extrait de la page 186.

Si dans sa première moitié le roman relève du récit de SF traditionnel dans lequel des hommes sont confrontés à un danger inconnu et à un monde qu’ils ne comprennent pas, il bascule ensuite dans quelque chose de plus profond. L’intrigue se teinte alors d’écologie, de sociologie et de philosophie. La tyrannie de la Fédération opposée à l’utopie d’Ygone. Le dernier quart est plus hermétique qui voit nos sept aventuriers confrontés à un Urzeit clairvoyant et humaniste sur plusieurs mondes, réalités et temporalités différentes.
Une agréable lecture qui m’a donné envie de relire Le Gambit des étoiles, Les voiliers du soleil et Le seigneur de la guerre.
À noter pour les curieux que les préfaces de Gérard Klein ont été réunies en 2021 dans un volume paru au Livre de Poche et intitulé, tout simplement, Le livre des préfaces.

Le temps n'a pas d'odeur Gérard Klein Présence du futur Denoël
Le temps n’a pas d’odeur (1963), roman de Gérard Klein, collection Présence du futur, Editions Denoël (1963).

Pour lire la chronique précédente : Surprise sanglante – Mickey Spillane.