le petit dragon de pékin James Eastwood critique

On trouve de tout dans les boîtes à livres. Des vieilleries surtout qui ne demandent qu’à reposer en paix. Mais parfois, aussi, des pépites. Cette rubrique vous propose de jeter un coup d’œil sur ces bouquins abandonnés et glanés au hasard de déambulations livresques.

Par Yves-Daniel Crouzet (retrouvez-le sur Facebook !)

Ex-fan des sixties

[Boîte à livres de Boulogne-Billancourt]

Lorsque j’ai vu la tranche de ce livre – la couleur blanc cassé, le titre orange, l’éditeur Plon – j’ai tout de suite compris à quoi j’avais affaire. Une bouffée de nostalgie m’a soudain envahi. Oh, ne croyez pas que je sois si vieux, mais ce genre de bouquins, on en voyait encore pas mal dans les bacs des bouquinistes dans les années 70 et 80 (bon d’accord, là je fais vraiment très vieux). Pour moi, ils étaient synonymes de James Bond et de Ian Fleming.
Sauf que là, il ne s’agissait pas d’une aventure du plus célèbre des espions. Mais d’une des innombrables pâles copies qui ont fleuri dans son sillage. Ici, en l’occurrence, l’héroïne est une femme, Anna-Maria, toute en charmes et en vices, née sous la plume d’un dénommé James Eastwood.
Alors, je me suis laissé tenter. Les boîtes à livres sont faites pour ça, non ? Pour exhumer des chefs d’œuvres oubliés de tous.
Sauf que… non. N’est pas 007 ou Modesty Blaise (un excellent souvenir de lecture et une très agréable héroïne de bande dessinée) qui veut.
Dans Le petit dragon de Pékin (il vous faudra presque attendre les vingt dernières pages pour savoir de quoi il s’agit) Anna-Maria est envoyée au casse-pipe par son chef Sarratt, patron du mystérieux Studio, une officine des services secrets anglais ultra-secrète. Sa mission ? Infiltrer une organisation criminelle internationale appelée La Famille et découvrir quelle menace pèse sur la paix en occident.

Le petit dragon de Pékin extrait
Le petit dragon de Pékin, extrait de la page 106.

Cette pauvre Anna-Maria, plutôt passive, est brinqueballée tout le long d’un récit insipide d’un endroit à un autre, subissant la concupiscence d’hommes et de femmes de nationalités diverses, mais tous unanimement fourbes, pervers et sadiques. Elle parviendra néanmoins à éviter une catastrophe nucléaire et sauvera Sarratt dont elle est amoureuse (et réciproquement). Tout est résolu dans les dix dernières pages avec un aplomb magnifique et un mépris total pour la crédibilité.

Le petit dragon de Pékin extrait
Le petit dragon de Pékin, extrait de la page 210.

Au moment où les œuvres de Roald Dahl, Ian Fleming, Agatha Christie et quelques autres font l’objet de réécriture pour être expurgés de leurs passages jugés offensants ou inappropriés, il est heureux qu’aucun éditeur ne songe à rééditer les aventures d’Anna-Maria (qui pourrait d’ailleurs être assez fou pour ça !?). Elles présentent un beau condensé de culture machiste, sexiste et raciste qui, s’il pouvait plus ou moins passer inaperçu en 1966, pique très fortement les yeux aujourd’hui comme en témoigne ce passage :

Le petit dragon de Pékin extrait
Le petit dragon de Pékin, extrait de la page 134.

CQFD : comme disent les services des douanes : préférez toujours les originaux aux copies.

Le petit dragon de Pékin roman de James Eastwood
Le petit dragon de Pékin (1966), roman de James Eastwood, éditions Plon (1967).

Pour lire la chronique précédente : La vieille fille blanche et autres contes fantastiques – Nathaniel Hawthorne.