
« A Palestinian Might Say » (« Un Palestinien dirait peut-être », ou encore « Un Palestinien pourrait dire ») est un poème de Naomi Shihab Nye, extrait de son recueil The Tiny Journalist publié en 2019 aux éditions BOA. Naomi Shihab Nye, américaine d’origine palestinienne, écrit son recueil en l’honneur de Janna Jihad Ayyad et de la cousine germaine de celle-ci, Ahed Tamimi : toutes deux, très jeunes, sont des figures du militantisme palestinien.
Je propose ici une traduction du poème, suivi de brèves remarques contextuelles et de quelques vers du poème anglais (États-Unis). Le poème original peut être lu en entier sur le site Poetry Foundation.
Un Palestinien dirait peut-être
Quoi ?
Tu ne te sens pas chez toi dans ton pays,
presque du jour au lendemain ?
Toutes les choses simples
auxquelles tu tiens,
que peut-être tu tenais pour acquises…
tu te sens insulté, invisible ?
Presque comme si tu n’étais pas là ?
Mais tu es là.
Là où auparavant tu allais librement…
estimais des gens qui n’étaient
pas exactement comme toi…
la division gagne en force.
Voilà ce que causeront « élu » ou « non élu ».
(Contente-toi de garder les yeux sur tes maisons, tes jardins.
Garde les yeux sur cet arbre en fleur.)
Oui, un mur. Les nôtres apparurent plus tard, mais…
qui discute de l’apparence désolante du pays,
souillé par un mur massif ?
Ça n’est pas une ombre normale.
C’est autre chose qui se dresse au-dessus de nos vies.
Jeunesse militante
Le contexte d’écriture du poème est bien celui de la fin des années 2010 : Janna Jihad Ayyad s’est alors fait connaître comme la « plus jeune journaliste de Palestine » parce qu’elle s’est mise, alors qu’elle a sept ans seulement, à rendre compte du conflit israélo-palestinien, selon le point de vue de la jeunesse palestinienne. C’est donc précisément à elle que fait référence le titre The Tiny Journalist (« La petite journaliste »).
Ahed Tamimi quant à elle est arrêtée en décembre 2017, alors qu’elle a seize ans, après avoir été filmée en train de gifler et pousser des soldats israéliens qui se trouvaient dans la cour de sa maison. Son frère venait d’être blessé gravement par un tir. La vidéo de la jeune femme, devenue virale, semble avoir poussé les autorités israéliennes à réagir : Ahed Tamimi est jugée et fait plusieurs mois de prison, en ayant obtenu une négociation de peine.
Liberté sur parole ?
Naomi Shihab Nye se propose dans son recueil de faire entendre, en quelque sorte, les voix de ces jeunes militantes ; elle y ajoute la voix de son père, Ayyad, réfugié et ancien journaliste palestinien. Il y a donc hésitation, d’un poème à l’autre, sur l’identité précise du locuteur, les voix se mélangeant, se superposant, se répondant… ce qui donne une impression de mouvement et de dialogue, d’autant que le mètre varie, peut-être pour évoquer une parole libre.
Dans le cas du poème « A Palestinian Might Say », il y a immédiatement une hésitation quant au genre du locuteur : Palestinienne, Palestinien ? Le choix « Un Palestinien dirait peut-être » peut au mieux être interprété comme une indétermination, un vague neutre, mais il ne s’agit guère que d’un compromis.

A Palestinian Might Say
What?
You don’t feel at home in your country,
almost overnight?
All the simple things
you cared about,
maybe took for granted. . .
you feel
insulted, invisible? […]
Lire le poème intégral en anglais ici.