
On trouve de tout dans les boîtes à livres. Des vieilleries surtout qui ne demandent qu’à reposer en paix. Mais parfois, aussi, des pépites. Cette rubrique vous propose de jeter un coup d’œil sur ces bouquins abandonnés et glanés au hasard de déambulations livresques.
Par Yves-Daniel Crouzet (retrouvez-le sur Facebook !)
Maigret s’amuse (et nous ?)
[Boîte à livres de Malakoff]
Je ne suis pas un grand connaisseur de l’œuvre de Simenon. C’est donc avec plaisir et curiosité que j’ai emprunté Maigret s’amuse dans une boîte à livres de Malakoff. Le roman a été publié en 1956. 1956 ! Je ne croyais pas que le monde de ces années 50 puisse être aussi différent du nôtre. Car c’est à une plongée dans une France bel et bien disparue que nous convie cette aventure du célèbre commissaire. C’en est presque parfois effrayant. Ce qui m’a sans doute le plus marqué c’est la représentation des femmes. De tels propos ne passeraient plus aujourd’hui. À raison. Car Maigret est un homme de son temps et la répartition des tâches au sein du foyer conjugal clairement définie comme le montre, entre autres, ce passage :
« Il attendit patiemment qu’elle eût fait la vaisselle et il fut même sur le point de l’aider. » (p.73)
Autres exemples savoureux, de cette époque révolue, s’ils n’étaient aussi rétrogrades : page 24 « Deux fois, pendant le dîner, Mme Maigret l’avait observé (son époux) avec une pointe d’attendrissement, la première quand il avait commandé la friture de goujons, la seconde quand il avait réclamé ensuite une andouille grillée avec des pommes frites », et enfin :
« Elle lui fut tout de suite sympathique. Elle avait un visage ouvert, une bouche bien dessinée, était beaucoup plus femme qu’on l’aurait pensé d’une personne accumulant les succès universitaires ». (p.137)
Ce qui, selon moi, constitue le principal attrait du bouquin, c’est que Maigret est en vacances (ordre du médecin !) mais qu’il ne peut s’empêcher de suivre une singulière affaire criminelle en lisant ce qu’en disent les journaux du matin et du soir. Mieux, il va aider à sa résolution en aiguillant son fidèle lieutenant Janvier, ainsi qu’un petit journaliste malin, Lassagne, par des messages anonymes. Et tant pis si Simenon ouvre des pistes qu’il ne suit pas ensuite (celle du frère de la victime, notamment), on passe quand même un bon moment de lecture dans ce vieux Paris de carte postale en noir et blanc.
C’est ce qui fait, malgré quelques passages qu’on qualifierait aujourd’hui d’offensants, le charme d’un Maigret.
