why is it so hard Charles Bradley lyrics paroles

« Why is it So Hard » est une chanson de Charles Bradley, tirée de son son premier album « No Time for Dreaming » (2011). Il faut dire que le chanteur, alors âgé de 62 ans, n’a guère l’âge des illusions…
Charles Bradley est un chanteur de soul music américain dont la carrière a démarré très tardivement. Fan de James Brown, il a cumulé toute sa vie des petits boulots tout en se produisant sur des scènes confidentielles jusqu’à l’âge de la retraite. C’est à ce moment qu’un producteur le repère enfin…
On lira ci-dessous une traduction des paroles de la chanson, suivie de quelques éléments de la vie de Charles Bradley, comme autant de clés d’interprétation, ainsi qu’une petite comparaison avec « Living In America » de James Brown. Et pour finir, le texte original !

Par Rodolphe Casso

Why is it so hard – traduction en français

Pourquoi est-ce si dur ?

Pourquoi est-ce si dur
De réussir en Amérique ?
J’ai essayé si fort
De réussir en Amérique

Un pays de cocagne
Une terre supposée faite avec amour
Il faut du temps et de la compréhension
Pour prendre du recul

Je suis né à Gainesville, en Floride
J’ai été par monts et par vaux
Puis j’ai déménagé à Brooklyn, à New York
Où j’ai connu des moments difficiles
Mais j’ai tenu le coup un temps

Pourquoi est-ce si dur
De réussir en Amérique ?
J’ai essayé si fort
De réussir en Amérique

C’était comme si rien ne tournait rond
Alors je me suis dit
Il faut que tu partes d’ici
Je suis allé au nord de l’état
Dans une petite ville appelée Poughkeepsie

J’ai trouvé un boulot
Pour m’éloigner de toute cette tension
Mais je ne pouvais pas m’échapper
Quelle que soit la distance
Comme si rien ne pouvait changer
Que tout recommençait sans cesse

Pourquoi est-ce si dur
De réussir en Amérique ?
J’ai essayé si fort
De réussir en Amérique

Pourquoi, dites-moi, dites-moi
Il faut changer les choses en Amérique
Que quelqu’un me vienne en aide

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L’asile psychiatrique (« state school ») de Wassaic, dans l’état de New York, où Bradley travaille plusieurs années en tant que cuisinier. Un air de Vol au-dessus d’un nid de coucou… Source.

Une vie de galères

Né en 1948, Charles Bradley est un galérien tel que l’Amérique sait en produire par millions. Dans cette chanson, le chanteur bat en brèche le rêve américain qui voudrait que quiconque travaille dur sera un jour récompensé. C’est une vie de dur labeur, de déplacements et de drames qui est ici évoquée au tout premier degré.
À Brooklyn, le chanteur connaît une enfance tumultueuse, passée en grande partie dans la rue. Il connaîtra cependant une épiphanie à 14 ans, en assistant à un concert de James Brown à l’Apollo Theatre, temple soul de Harlem. Depuis ce jour, il n’aura de cesse de vouloir imiter son idole. Par chance, il échappe à la délinquance grâce à un programme d’insertion, le Job Corps, qui va lui permettre d’apprendre le métier de cuisinier dans un restaurant de Bar Harbor, dans le Maine. C’est aussi là qu’il monte un groupe de reprises de soul pour distraire les touristes aisés de la station balnéaire.
Lorsque la guerre du Vietnam éclate, ses musiciens sont enrôlés mais Bradley échappe à l’incorporation grâce à un emploi de chef cuisinier à l’asile psychiatrique de Wassaic, dans l’état de New York. Cet épisode est évoqué dans la chanson lorsqu’il fait mention de Poughkeepsie, ville voisine de Wassaic où il s’est alors installé. Il travaillera neuf ans dans l’hôpital, sinistre et isolé, avant de tenter sa chance en Californie, au Canada, en Alaska. Puis il retournera en Californie pour se fixer une vingtaine d’année, cumulant toujours ses activités de cuistot et de chanteur soul. Mais un licenciement l’obligera à un retour à la case départ : direction Brooklyn. À 51 ans, le chanteur-trimeur survit le jour avec un job de coursier et revêt la nuit le costume de Black Velvet, son personnage scénique largement inspiré de James Brown – dont il reprend de nombreux titres.
La chance sourit enfin à Bradley lorsque Gabriel Roth, patron de Daptone Records, un label spécialisé dans la soul vintage, assiste à l’une de ses représentations. Le producteur l’emmène immédiatement en studio, et Charles va signer son premier contrat discographique alors qu’il est à l’âge de la retraite. Le musicien sortira en 2011 son premier album dont le titre, « No Time for Dreaming », annonce déjà une œuvre peu encline aux illusions. « Why is it So Hard » fait patrie de la track list. Trois autres disques suivront, dont le dernier, « Black Velvet » (2018), sera posthume puisque Charles Bradley mourra d’un cancer en 2017, à l’âge de 68 ans.
« Why Is it So Hard » résume en quelques strophes ce parcours chaotique, cette vie rude, finalement récompensée par une reconnaissance tardive. Et si au bout du chemin, le rêve américain de Bradley a certes été exaucé, il n’en aura profité qu’une poignée d’années.
Celui qui rêvait d’être James Brown aurait pu devenir un sosie se produisant ad vitam dans les night-clubs et les casinos de seconde zone. Mais en racontant ses galères et ses errances, sans fard, Bradley est devenu un artiste à part entière en s’imposant comme une antithèse du godfather of soul et de son répertoire hédoniste.

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James Brown fait le grand show du rêve américain dans Rocky IV (1985).

Le souvenir de James Brown

En écoutant le lamento déchirant de Charles Bradley qu’est « Why Is it So Hard », où il raconte par le menu l’odyssée d’un galérien afro-américain, on ne peut s’empêcher de penser au « Living In America » de James Brown, dont les propos sont diamétralement opposés.
En 1985, la chanson connaît une exposition mondiale à la faveur d’un cameo de Brown dans le film Rocky IV, de Sylvester Stalone. Le chanteur y donne un show aussi grandiloquent que grotesque pour célébrer l’arrivée sur le ring d’Apollo Creed, champion de l’Amérique revêtu d’un ensemble cape, short et haut de forme aux motifs stars and stripes. Ce numéro de cabaret 100% Las Vegas est censé intimider son adversaire Ivan Drago, impitoyable poids lourds venu d’URSS (la guerre froide est toujours en cours) et représentant du modèle de société opposé.
Dans cette rencontre politisée, la prestation de Brown fait de « Living In America » un manifeste pour le way of life états-unien. Il y est question de « super autoroutes » qui sillonnent le pays d’une « côte à l’autre » grâce auxquelles il est « facile d’aller partout » mais aussi des chemins de fer, des usines, des travailleurs, des radios et des diners qui tournent jour et nuit… Soit le tableau d’un pays au dynamisme économique insolent. James Brown conclut en déclamant : « Vous ne cherchez peut-être pas la terre promise / Mais vous pourriez la trouver quand même / Derrière l’un de ces noms familiers » (« You may not be lookin’ for the promised land / But you might find it anyway / Under one of those old familiar names »). Ces noms familiers, ce sont ceux des villes américaines : la Nouvelle-Orléans, Détroit, Dallas, Pittsburgh, New York City, Kansas City, Atlanta, Chicago et Los Angeles… Autant de lieux où la réussite attend au coin de la rue ? En tout cas, il n’est pas fait mention de Poughkeepsie…
Cette scène de Rocky IV restera la dernière grande apparition de James Brown, et « Living in America » le dernier tube de sa discographie. Le public gardera ainsi de lui cette image de héraut de l’american way of life avant que sa carrière ne s’étiole au gré de démêlés judiciaires, jusqu’à sa mort en 2006.
Pendant ce temps, Charles Bradley continuait de ramer dans les cales de l’Amérique pour faire tourner le pays H 24, comme il en témoignera finalement dans « Why Is It So Hard ». Il ne sera jamais le nouveau James Brown, encore moins un promoteur du système économique américain, mais il parviendra à inscrire son nom dans l’histoire de la soul.

Nota Bene : Apollo Creed meurt sous les coups d’Ivan Drago au deuxième round.

Liens vidéos :
Why Is It So Hard (live)
Rocky IV (James Brown)

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La pochette du LP « No time for dreaming » de Charles Bradley, qui inclut « Why is it so hard ».

Why is it so hard

Why is it so hard
To make it in America
I try so hard
To make it in America

A land of milk and honey
A land supposed to be built with love
It take love and understanding
To live and let live

I was born in Gainesville Florida
I traveled far and wide
Then I moved to Brooklyn, New York
Had hard times, for sometime I hold on

Why is it so hard
To make it in America
I try so hard
To make it in America

Seemed like nothing was goin’ right
So I said to myself
You got to move away from here
I went to upstate New York
A little town they call Poughkeepsie
Got me a job
To get away from all this stress

But I couldn’t get away
No matter how far I went
Seems like nothing gonna change
Everything still remained the same

Why is it so hard
To make it in America
I try so hard
To make it in America

Why, tell me, tell me
We gotta make a change, in America
Help me somebody