
« War isn’t Murder » est une chanson de Jesse Welles, issu de l’album Hells Welles (2024) qui évoque la guerre en général, et en particulier celle menée à Gaza par l’armée israélienne, avec le soutien des États-Unis, en représailles aux attaques du Hamas du 7 octobre 2023. Un titre qui illustre à quel point ce chanteur de folk minimaliste excelle à coller à l’actualité tout en usant de cynisme et de subversion à hautes doses.
On trouvera ci-dessous une traduction des paroles de la chanson, suivie d’un petit commentaire sur sa dimension politique et diverses allusions. Et pour finir, les lyrics d’origine !
Par Rodolphe Casso
« War isn’t Murder » – traduction en français
La guerre, c’est pas du meurtre
Les hommes bons ne meurent pas
Les enfants ne crèvent pas de faim
Et toutes les femmes survivent
La guerre, c’est pas du meurtre
C’est ce qu’ils disent
Quand vous combattez le Mal
Le meurtre, c’est okay
La guerre, c’est pas du meurtre
On appelle ça des victimes
Il n’y a pas de vétéran
Qui dorme paisiblement
Parlons donc des gens morts
Et même d’un peuple mort
Les morts ne se sentent pas honorés
Ils ne se sentent pas si courageux
Ils ne se sentent pas vengés
Ils ont de la chance s’ils ont une tombe
Appelez votre défunte mère
Pour lui parler de quand elle est morte
C’est un silence de mort
À l’autre bout du fil
Les morts ne parlent pas
Mais les enfants n’oublient pas
Ainsi, dans 20 petites années
Vous pourriez le regretter
La guerre, c’est pas du meurtre
Il y a de l’argent en jeu
Meuf, même Kushner confirme
Que c’est une bonne affaire immobilière
La guerre, c’est pas du meurtre
Demande à Netanyahu
Il a une chanson sur ça
Et une bombe pour toi
La guerre, c’est pas du meurtre
C’est une croyance ancienne
Une sanction de l’Etat-nation
De la légitime haine
Parlons donc des gens morts
Et même d’un peuple mort
La guerre, c’est pas du meurtre
C’est la vengeance de Dieu
Si tu peux pas voir les cadavres
Ils ne gonflent pas en pourrissant
Et les mouches ne tournoient pas
Et les enfants ne pleurent pas
Si la guerre, c’est pas du meurtre
Les hommes bons ne meurent pas
Ainsi, dans 20 petites années
Pendant vos vacances sur la bande
Ne pensez pas aux morts
Et passez un bon séjour
La guerre, c’est pas du meurtre
Nous devrions être tous reconnaissants
J’ai vu ça dans un film
Rendons grâce à Tom Hanks
La guerre, c’est pas du meurtre
Ils ne déportent pas les pauvres
Et les balles qu’ils tirent
Ne sont pas le remède
La guerre, c’est pas du meurtre
La terre est un droit
Mais quand la banque la récupère
Vous ne pouvez rien y faire
Parlons donc des gens morts
Et même d’un peuple mort
Les morts ne se sentent pas honorés
Ils ne se sentent pas si courageux
Ils ne se sentent pas vengés
Ils ont de la chance s’ils ont une tombe
La guerre, c’est pas du meurtre
C’est pas un bain de sang
Qui s’étire dans le temps
Et s’abat à torrents
C’est un noir sacrifice
Perpétré en votre nom
Alors mettez-vous à genoux
Et remerciez le Bon Dieu
Que la guerre ne soit pas du meurtre
Liens vidéos :
« War isn’t murder » par Jesse Welles : version champêtre, dans le métro, en concert…
La guerre, ça tue
Originaire de l’Arkansas, Jesse Welles s’est récemment fait une réputation sur Instagram avec des vidéos de chansons folk traditionnelles sur la forme et tragi-comiques sur le fond. En ligne directe des protest songs à la Bob Dylan (on peut penser à « Masters of War« ), avec qui il partage la pratique de la guitare folk au capodastre et de l’harmonica calé sous le menton, il chronique son époque et ses travers : guerre, armes à feu, inégalités sociales, fanatisme religieux… Et ce, à une période de l’histoire des USA où la critique politique expose les artistes à des représailles concrètes de la part de Donald Trump et son administration – on l’a vu avec la suspension de Jimmy Kimmel, animateur d’un late show sur NBC (où Welles s’est déjà produit) et l’arrêt annoncé de celui de Stephen Colbert la saison prochaine.
Grâce à la simplicité technique de son dispositif, Welles peut réagir à chaud à l’actualité. Malgré le décorum champêtre de ses vidéos, façon images d’Epinal d’une paisible Amérique rurale, Welles y distille un discours aussi corrosif que perturbant. « War isn’t murder », l’un de ses titres le plus aboutis (on apprécie aussi énormément « The Great Caucasian God »), évoque les discours mensongers des chantres de la guerre, se payant le patriotisme béat des uns et la naïveté crasse des autres. Welles vient nous rappeler avec un sourire en coin que la guerre, plutôt que de fabriquer des héros et satisfaire aux volontés divines, c’est sale, ça tache, ça pue et ça tue.
Si une grande partie de son texte pourrait évoquer l’horreur de n’importe quel conflit armé, l’auteur-compositeur évoque quasi explicitement la destruction de Gaza par l’armée israélienne. Il cite d’abord le premier ministre Netanyahou (« La guerre, c’est pas du meurtre / Demande à Netanyahu / Il a une chanson sur ça / Et une bombe pour toi »), puis évoque les déclarations abjectes formulées dans son propre pays, comme lorsqu’il chante « La guerre, c’est pas du meurtre / Il y a de l’argent en jeu / Meuf, même Kushner confirme / Que c’est une bonne affaire immobilière ».
Jared Kushner n’est autre que le gendre de Donald Trump, chargé de jouer les médiateurs auprès le gouvernement israélien pour aboutir à une conclusion du conflit. On peut cependant le soupçonner de rechercher davantage une conclusion économique que pacifique quand on sait qu’il avait déclaré, en mars 2024, que les terrains en bord de mer du littoral gazaoui était « de grande valeur » et suggéré qu’Israël déplace les civils pour « nettoyer » le territoire.

La Riviera du Moyen-Orient
Cette déclaration faisait suite à celle de Donald Trump qui voulait faire de la bande de Gaza la « Riviera du Moyen-Orient ». Une idée esquissée à un moment où civils, femmes et enfants périssaient par milliers sous les bombes, que Jesse Welles reprend à son compte lorsqu’il anticipe une bande de Gaza balnéaire pour touristes insouciants : « Ainsi, dans 20 petites années / Pendant vos vacances sur la bande / Ne pensez pas aux morts / Et passez un bon séjour ».
Welles ne fait pas uniquement mention de la guerre Israël-Hamas. Il évoque aussi les vétérans, sans spécifier de quelle guerre (« Il n’y a pas de vétéran / Qui dorme paisiblement »). Peut-être bien la Seconde Guerre mondiale – ou le Vietnam ? – dans la strophe « La guerre, c’est pas du meurtre / Nous devrions être tous reconnaissants / J’ai vu ça dans un film / Rendons grâce à Tom Hanks ». Sans doute veut-il parler d’Il faut sauver le soldat Ryan, de Steven Spielberg, où de braves américains sacrifient leur vie sur les plages de Normandie au nom de la liberté. À moins qu’il ne pense plutôt à Forrest Gump, dans lequel Tom Hanks joue un simplet héros de la guerre du Vietnam (entre autres exploits) ? (Le film de Robert Zemeckis est pourtant loin de faire l’apologie de ce conflit, bien au contraire.) Nous resterons donc sans réponse sur ce point. Pour le reste, le doute n’est pas permis : la guerre, c’est bel et bien du meurtre.

War isn’t murder
War isn’t murder
Good men don’t die
Children don’t starve
And all the women survive
« War isn’t murder »
That’s what they say
When you’re fighting the Devil
Murder’s okay
War isn’t murder
They’re called casualties
There ain’t a veteran
With a good night’s sleep
Let’s talk about dead people
I mean a-dead people
The dead don’t feel honor
They don’t feel that brave
They don’t feel avenged
They’re lucky if they got graves
Call your dead mother
Ask her when she died
It’s a deathly silence
On the other line
The dead don’t talk
But the children don’t forget
So in 20 short years
You could live to regret that
War isn’t murder
There’s money at stake
Girl, even Kushner agrees
It’s good real estate
War isn’t murder
Ask Netanyahu
He’s got a song for that
And a bomb for you
War isn’t murder
It’s an old desert faith
It’s a nation-state sanctioned
Righteous hate
Let’s talk about dead people
I mean a-dead people
War isn’t murder
It’s the vengeance of God
If you can’t see the bodies
They don’t bloat when they rot
And the flies don’t swarm
And the children don’t cry
If war isn’t murder
Good men don’t die
So in a short 20 years
When you vacation the Strip
Don’t think about the dead
And have a nice trip
War isn’t murder
We should all give thanks
I saw it all in a movie
Give it up for Tom Hanks
War isn’t murder
They don’t ship out the poor
And the bullets they fire
Aren’t part of the cure
War isn’t murder
Land is a right
But the banks called dibs
It’s something you can’t fight
Let’s talk about dead people
I mean a-dead people
The dead don’t feel honor
They don’t feel that brave
They don’t feel avenged
They’re lucky if they got graves
War isn’t murder
Ain’t a river of blood
Stretching all-through time
And raining down in a flood
It’s a dark sacrifice
Made on your behalf
So get down on your knees
And thank the sweet Lord
That War isn’t murder