Thomas Burnett Swann poème

« Beautiful is dust » (« Belle est la poussière », littéralement) est un poème de Thomas Burnett Swann, sans doute connu surtout pour ses romans de fantasy et de science-fiction, mais également poète et critique spécialisé dans les œuvres de Christina Rossetti et Hilda Doolittle (H. D.). Le poème « Beautiful is dust » a pour particularité d’être gravé sur la pierre tombale de son amie Sheila Lane Beardsley, qui avait illustré son recueil Wombats and Moondust (1956).
J’en propose ci-dessous trois traductions personnelles, dont une en rimes, suivies de quelques brèves remarques et du poème en langue d’origine (anglais, États-Unis).

Qu’elle est belle la poussière

Qu’elle est belle la poussière,
Qui ne peine ni ne s’afflige,
Mais s’attarde dans l’air sans exigence
Puis se couche parmi les feuilles ;
Belle, la poussière
De l’engoulevent anxieux
Et du papillon de nuit qui s’élance, leur tumulte et leur douleur
Apaisés comme la fleur ;
Et la poussière de l’homme,
Qui achève ce que la poussière commença.

Belle est la poussière

Belle est la poussière,
Qui ne flâne ni ne s’afflige,
Et erre dans l’air qui n’exige rien
Jusqu’à se coucher parmi les feuilles ;
Belle, la poussière
De l’engoulevent tourmenté
Et du papillon de nuit qui s’éploie, leur agitation et leur effort
Rendus au silence des fleurs ;
Et la poussière de l’homme,
Qui finit ce que commença la poussière.

Belle est la poussière

[Version rimée, avec ce que cela implique d’arrangements ; le poème est composé de dix vers mais seuls certains riment, selon le schéma : ABCBADEDFF.]

Belle est la poussière,
Qui ne flâne ni ne connaît le deuil,
Voltigeant dans l’air peu exigeant,
Puis se couche avec les feuilles ;
Belle, la poussière
De l’engoulevent tourmenté
Et du papillon de nuit qui s’éploie, leur agitation et leur effort
Désormais pareils au fleurage muet ;
Et la poussière de l’humain,
Qui finit ce qui par la poussière advint.

BEAUTIFUL IS DUST

Beautiful is dust,
Wich neither toils nor grieves,
But idles down the undemanding air
To sleep with leaves;
Beautiful, the dust
Of anguished whippoorwill
And surging moth, their turbulence and pain
Grown flower-still;
And dust of man,
Which ends what dust began.

Remarques

Il est émouvant de constater que Sheila Lane Beardsley, décédée en 2015, a voulu un poème de Swann, mort d’un cancer en 1976, pour orner sa tombe : témoignage de leur amitié, et du souvenir durable que lui laissa le poème, au point de vouloir en faire un message posthume.
On peut relever qu’il s’agit d’une variation de la formule « dust to dust », entendue fréquemment dans les séries et films américains ou anglais, qui est utilisée surtout pour le rite funéraire : c’est une citation tirée du Livre de la prière commune, qui fournit notamment les prières du culte anglican, et qui a un écho important dans la littérature anglo-saxonne (Shakespeare y fait référence, entre autres).
On la retrouve aussi en latin dans le Livre de la Genèse : « pulvis es, et in pulverem reverteris« , soit « tu es poussière et que tu redeviendras poussière ». Ces mots sont attribués à Dieu lui-même, au moment où il chasse Adam et Ève du jardin d’Éden.
Plutôt que d’en faire une condamnation, Swann propose une vision consolatrice : beauté de la poussière associée au silence, au calme des feuilles et des fleurs, opposée à la vaine agitation et au mouvement hasardeux des animaux. Rappelons ici que l’engoulevent est un oiseau symbolique, supposé sentir le départ d’une âme (voir sur ce sujet le poème « Maison fantôme » de Robert Frost) ; le papillon de nuit, pour sa part, est connu pour être attiré irrésistiblement par la lumière artificielle, au risque d’en mourir. Ajoutons que l’engoulevent a un chant caractéristique, décrit comme un trille, un ronronnement ; le chant de certains papillons de nuit est quant à lui inaudible pour les humains.
Le poème de Swann, donc, nous invite à envisager la mort comme beauté physique, celle de la poussière dont le mouvement n’est pas le signe d’une insatisfaction ou d’une volonté douloureuse.

Thomas Burnett Swann poème
Grand paon de nuit, 1889, peinture de Vincent van Gogh.

Source :
Pour voir le poème tel que gravé sur la pierre tombale, et sa transcription dans un journal.