
On trouve de tout dans les boîtes à livres. Des vieilleries surtout qui ne demandent qu’à reposer en paix. Mais parfois, aussi, des pépites. Cette rubrique vous propose de jeter un coup d’œil sur ces bouquins abandonnés et glanés au hasard de déambulations livresques.
Par Yves-Daniel Crouzet (retrouvez-le sur Facebook !)
Jeune première
[Boîte à livres du pont de Boulogne Billancourt]
La boîte à livres du Pont de Boulogne-Billancourt est maligne. Elle savait à quel point j’avais apprécié L’Atlantide et Monsieur de la Ferté de Pierre Benoît, aussi m’a-t-elle offert cette fois le premier livre de l’auteur : Koenigsmark ! Ce roman historique a une particularité plutôt intéressante : c’est le premier à avoir été publié dans la mythique (et toujours vivace) collection Le Livre de Poche. C’était en 1953. Il s’est vendu près de 1 000 000 d’exemplaires de cet ouvrage et, pourtant, qui le connaît aujourd’hui ? Eh bien moi, et, à ma petite échelle, il est grand temps d’en raviver (ou pas) les feux.
Alors, quelles impressions ai-je retirées de ce roman dont l’histoire se déroule essentiellement dans le grand-duché du Lautenbourg-Detmold en Allemagne à la veille de la Première Guerre mondiale ? Pour être franc, j’ai eu quelque peine à entrer dans ce récit classique cousu d’intrigues de cour qui n’était pas sans me rappeler des films d’époque, comme Sissi Impératrice. Rien de bien intéressant au départ, beaucoup de descriptions et peu d’enjeux. Pierre Benoit allait-il me décevoir ?

Que nenni ! Il me fallut cependant attendre le milieu du livre pour que le romanesque et le mystère s’expriment enfin.

Koenigsmark est avant tout l’histoire d’une femme : Aurore, grande-duchesse de Lautenbourd-Detmold, princesse Tumène, fille d’un grand-duc russe, mariée contre son gré à un homme ambitieux qui, sous des dehors affables, est dévoré d’ambitions et ne s’embarrasse pas de quelques meurtres. Magnifique Aurore. Admirable Aurore. Belle, courageuse, forte, impitoyable, sensuelle, intelligente, malheureuse aussi. C’est elle qui porte le roman, les autres personnages ne sont que ses faire-valoir.

Une fois encore la prose de Benoit fait merveille. Délicate, sensible, subtile. C’est un régal. Dans le dernier tiers du roman le suspense se déploie enfin. On tremble pour les personnages. Les révélations se succèdent. On plonge alors dans le roman d’aventures avec trahisons, meurtres, machinations et folle poursuite. La fin est terrible bien sûr (comment pourrait-il en être autrement pour un drame ?), belle aussi, quand au milieu des tranchées le héros malheureux attend d’être délivré de sa douleur sentimentale « Tout droit, face à l’ouragan, avec un mince sourire consentant et extasié, il contemplait l’aurore. »
Beau.

Pour lire la chronique précédente : L’Homme noir – Robert E. Howard.