lire en ligne une nouvelle de science-fiction de Robert A. Heinlein

« Heil! » est une nouvelle de science-fiction de Robert A. Heinlein publiée en 1940 dans le fanzine Futuria Fantasia de Ray Bradbury, à une époque où Heinlein essaie de se faire un nom dans la science-fiction des pulps, et où Bradbury est encore un illustre inconnu. Les États-Unis ne sont pas encore en guerre, mais les tensions grandissantes encouragent les prises de position contre l’Allemagne d’Hitler et Heinlein est alors un partisan du parti démocrate et de Roosevelt. « Heil! » propose donc une sorte de version alternative de notre monde, dans lequel un « Guide », confronté à la mortalité, recourt à une médecine avancée et risquée… et le chirurgien qui l’opère joue sa vie.
Heinlein modifiera légèrement le texte plus tard, le renommant Succesful Operation, sans en paraître satisfait (voir plus bas)…
Je propose ci-dessous une traduction personnelle de la nouvelle, qui pourra toujours être modifiée, suivie d’un bref commentaire et du texte en anglais (États-Unis).
À noter : la nouvelle est une des rares nouvelles de Heinlein dans le domaine public aux États-Unis, sinon la seule, mais n’est pas dans le domaine public en France, donc je ne pourrai peut-être pas laisser le texte tel quel à l’avenir.

HEIL !

« Comment osez-vous faire une suggestion pareille ! »
Le médecin d’état resta obstinément sur sa position.
« Je ne la ferais pas, sire, si votre vie n’était pas en jeu. Il n’y pas de chirurgien dans notre Patrie qui puisse transplanter une hypophyse, sinon le docteur Lans.
– Vous ferez l’opération ! »
Le toubib secoua la tête.
« Ce serait votre mort, Guide. Mes compétences ne sont pas adéquates. Et, à moins que l’opération n’ait lieu très bientôt, vous mourrez à coup sûr. »
Le Guide tempêtait en faisant les cent pas dans l’appartement. Il semblait sur le point de se livrer à une de ses flambées de colère de fillette que même la clique du cercle intérieur de l’état redoutait tant. De façon inattendue, il capitula.
« Amenez-le ici ! » ordonna-t-il.

Le docteur Lans fit face au Guide avec une dignité inaliénable, une dignité et une présence que trois ans passés en « détention de sûreté » n’avaient pas été capables d’ébranler. La pâleur et la maigreur extrême caractéristique du camp de concentration laissaient sur lui leur marque, mais sa race était habituée à l’oppression.
« Je vois, dit-il. Oui, je vois… Je peux pratiquer cette opération. Quelles conditions proposez-vous ?
– Des conditions ? Le Guide était scandalisé. Des conditions, espèce de sale porc ? Une occasion t’est donnée de racheter une partie des péchés de ta race ! »
Le chirurgien haussa les sourcils.
« Ne croyez-vous pas que je sais que vous ne m’auriez pas fait envoyer chercher s’il y avait eu n’importe quelle autre solution à votre disposition ? Manifestement, mes services sont devenus précieux.
– Tu feras ce qu’on te dit ! Tu as de la chance d’être en vie, toi et ceux de ta sorte.
– Néanmoins, je n’opérerai pas sans honoraires.
– J’ai dit que tu avais de la chance d’être en vie — »
Le ton était ouvertement celui de la menace.
Lans écarta les mains.
« Eh bien — Je suis un vieil homme… »
Le Guide sourit.
« Il est vrai. Mais je suis informé du fait que vous avez une — une famille… »
Le chirurgien s’humecta les lèvres. Son Emma — ils feraient souffrir son Emma… et sa petite Rose. Mais il devait être courageux, comme Emma l’aurait voulu. Il jouait une partie aux enjeux élevés — pour eux tous.
« Elles ne seront pas plus mal mortes, répondit-il fermement, qu’elles ne le sont maintenant. »
Bien des heures s’écoulèrent avant que le Guide fût convaincu que Lans ne changerait pas d’avis. Il aurait dû le savoir — le chirurgien avait tiré sa résolution du sein de sa mère.
« Quel est ton tarif ?
– Un passeport pour moi et ma famille.
– Bon débarras.
– La restitution de ma fortune personnelle…
– Très bien.
– …sous la forme d’un paiement en or, avant que je n’opère ! »
Le guide commença à objecter machinalement, puis se maîtrisa vite. Qu’il y croit donc, cet imbécile arrogant ! Cela pourrait être arrangé après l’opération.
« Et l’opération aura lieu dans un hôpital en territoire étranger.
– Grotesque.
– Il me faut insister.
– Tu ne me fais pas confiance ? »
Lans soutint son regard sans répliquer. Le Guide le frappa, violemment, en pleine bouche. Le chirurgien ne fit aucun effort pour éviter le coup, mais l’encaissa, sans changer d’expression.

« Vous êtes déterminé à aller jusqu’au bout, Samuel ? »
L’homme plus jeune regarda le docteur Lans sans montrer signe de peur tout en répondant :
« Certainement, docteur.
– Je ne peux pas garantir que vous vous rétablirez. L’hypophyse du Guide est infectée ; quand je l’échangerai avec la vôtre, qui est saine, votre corps plus jeune pourrait ne pas le supporter — voilà le risque que vous prenez. Qui plus est — une transplantation complète n’a jamais été faite auparavant.
– Je sais — mais je suis sorti du camp de concentration !
– Oui. Oui, c’est vrai. Et si vous vous remettez, vous serez libre. Et je m’occuperai de vous moi-même, jusqu’à ce que vous vous portiez assez bien pour voyager. »
Samuel sourit.
« Ce sera une grande joie d’être malade dans un pays où il n’y a pas de camps de concentration !
– Très bien, dans ce cas. Commençons. »
Ils retournèrent au groupe silencieux et nerveux qui se tenait à l’autre bout de la pièce. L’argent fut recompté, sinistrement : chaque denier que le fameux chirurgien avait possédé, avant que le Guide n’eût décidé que les hommes de sa religion n’avaient aucun besoin d’argent. Lans mit la moitié de l’or dans une ceinture porte-monnaie et l’attacha autour de sa taille. Sa femme dissimula l’autre moitié quelque part sur son imposante personne.

Ce fut une heure et vingt minutes plus tard que Lans reposa le dernier instrument, qu’il adressa un hochement de tête aux chirurgiens qui l’assistaient, et se mit à retirer les gants chirurgicaux. Il jeta un dernier regard à ses deux patients avant de quitter la pièce. Ils étaient anonymes sous les blouses et les bandages stériles. S’il ne l’avait pas su, il n’aurait pas pu distinguer le dictateur de l’opprimé. À bien y réfléchir, du fait de l’échange de ces deux petites glandes, il y avait quelque chose du dictateur dans la victime, et quelque chose de la victime dans le dictateur.

Le docteur Lans revint à l’hôpital plus tard le même jour, après avoir veillé à ce que sa femme et sa fille se fussent installées dans un hôtel quatre étoiles. Il s’agissait d’une extravagance, compte tenu de ses perspectives incertaines en tant que réfugié, mais ils n’avaient joui d’aucun luxe pendant des années, là-bas — il ne le considérait plus comme son pays natal — et, rien que cette fois, c’était justifié.
À la réception de l’hôpital, il s’enquit de son second patient. La secrétaire parut perplexe.
« Mais il n’est pas là…
– Pas là ? »
– Ma foi, non. Il a été déplacé en même temps que Son Excellence — pour retour dans votre pays. »
Lans ne discuta pas. La duperie était évident ; il était trop tard pour faire quoi que ce fut pour le pauvre Samuel. Il rendit grâce à Dieu d’avoir eu la clairvoyance de se mettre, lui et sa famille, hors de portée d’une telle injustice brutale avant d’opérer. Il remercia la secrétaire et s’en alla.

Le Guide reprit enfin conscience. Sa cervelle était confuse — puis il se remémora les événements qui avaient précédé son sommeil. L’opération ! — elle était finie ! Et il était en vie ! Il n’avait jamais avoué à qui que ce soit à quel point il avait été affreusement terrifié par toute l’affaire. Mais il avait survécu — il avait survécu ! Il chercha à tâtons le cordon de la sonnette, et ne parvenant pas à le trouver, força peu à peu son regard à se concentrer sur la pièce. Quelle était cette scandaleuse ineptie ? Ce n’était pas une chambre digne d’un Guide convalescent. Il découvrait avec dégoût le plafond sale, blanchi à la chaux, et le sol de bois brut. Et le lit ! Ce n’était rien de plus qu’un lit de camp !
Il poussa un cri. Quelqu’un entra, un homme portant l’uniforme d’une unité d’assaut de son corps favori. Il entreprit de lui passer le savon de sa vie, avant de le faire arrêter. Mais il fut interrompu.
« Cesse ce raffut, maudit porc ! »
Il fut d’abord trop abasourdi pour répondre, puis il hurla :
« Tiens-toi au garde-à-vous quand tu t’adresses au Guide ! Salue ! »
Le soldat sidéré toisa le malade — d’une apparence totalement différente de celle du Guide —, puis s’esclaffa. Il s’approcha du lit de camp et prit la pose, son bras droit levé pour saluer. Dans sa main, il portait une matraque de caoutchouc.
« Hail à notre Guide ! » cria-t-il, et il abattit son bras d’un geste vif. La matraque s’écrasa sur la pommette du malade.
Un autre soldat entra pour savoir ce qui causait ce boucan, tandis que le premier riait encore de sa plaisanterie.
« Qu’y a-t-il, Jon ? Dis, tu ferais mieux de ne pas trop malmener ce singe — il est toujours inscrit sur la liste de l’hôpital. »
Il regardait le visage ensanglanté, sans gêne.
« Lui ? Tu ne savais pas ? »
Jon le tira de côté et murmura.
Le deuxième homme écarquilla les yeux ; il sourit de toutes ses dents.
« Alors comme ça, ils ne veulent pas qu’il se remette, hein ? Bon, un peu d’exercice ce matin me ferait du bien…
– Allons chercher Fats, suggéra l’autre. Il a toujours des idées trop drôles.
– Pas bête. »
Il alla à la porte et s’écria : « Eh, Fats! »
Ils ne le tabassèrent vraiment que lorsque Fats fut là pour les aider.

Futuria Fantasia Hannes Bok Bradbury
Couverture du numéro de Futuria Fantasia de printemps 1940 (vol. 1. no. 4.) dans lequel est publié « Heil ». Illustration de
Hannes Bok !

Le fanzine Futuria Fantasia

La nouvelle Heil! est semble-t-il écrite à la demande de Ray Bradbury, à une époque où celui-ci, âgé d’une vingtaine d’années, commence à publier ses premiers textes dans des fanzines. Bradbury fait la connaissance de Heinlein (trente-et-un ans !) lors d’une rencontre de la Los Angeles Science Fiction Society, aujourd’hui le plus vieux « club » de fans de science-fiction, où Heinlein était semble-t-il très aimable, et cette rencontre explique que le jeune Bradbury ait eu le courage de demander un texte à son aîné… pour un fanzine qui ne payait pas ses auteurs !
Bradbury s’efforce en effet depuis 1939 de publier deux fois par an son propre fanzine, Futuria Fantasia, au nom déjà évocateur. Au sommaire, on retrouve surtout des textes (nouvelles et essais) de Bradbury lui-même ou d’Henry Kuttner, grand ami de celui-ci, ainsi que des illustrations d’Hannes Bok, lui aussi à ses débuts ! Du point de vue de l’histoire littéraire de la science-fiction, ce n’est pas rien, mais on se doute que la revue n’était pas rentable malgré le soutien financer de Forrest J Ackerman et Morojo : elle n’a que quatre numéros, au tirage limité, dont le dernier est celui de l’hiver 1940.
Heinlein toutefois contribue au fanzine sans grande conviction (voir plus bas), signant sa nouvelle du pseudonyme Lyle Monroe, qu’il utilise d’ailleurs pour d’autres textes à la même époque. Reste que la nouvelle Heil! est publiée dans le numéro de printemps 1940 de Futuria Fantasia (vol. 1. no. 4.), la revue coûtant alors 10 cents (un peu plus de deux dollars aujourd’hui) !

Hitler et le médecin Karl Brandt
Hitler et un de ses médecins, Karl Brandt, vers 1942 (tiré d’un film d’Eva Braun). Entre autres horreurs, Brandt est un responsable d’Aktion T4, programme d’extermination d’adultes handicapés physiques ou mentaux.

Opération ratée ?

Heil!, petite nouvelle parue dans un fanzine doit sans doute beaucoup à l’aura de Heinlein à l’époque : elle est reprise dans des anthologies dans les années qui suivent, et notamment en français pour L’âge d’or de la science-fiction : 4ème série (1973), sous le titre « Salut ! », dans une traduction de Bruno Martin.
Heinlein remanie légèrement la nouvelle par la suite et la renomme Succesful Operation pour l’anthologie Expanded Universe: The New Worlds of Robert A. Heinlein (1980). Dans un petit avant-propos, il lui-même suggère qu’elle est médiocre et qu’elle n’existe que parce qu’il était alors un auteur encore inexpérimenté qui n’avait pas appris à dire « non » quand on lui demandait un texte : « The following story came into existence shortly after I sold my first storyand resulted from my having not yet learned to say No! » [« L’histoire suivante fut créée peu après que j’ai vendu ma première nouvelle et résulte du fait que je n’avais pas encore appris à dire « Non ! » »]
Il faut bien admettre que l’intrigue repose sur une suspension de l’incrédulité particulièrement généreuse du lecteur, et que le tout paraît d’un goût douteux (on relèvera par exemple le détail de la description physique d’Emma, « ample », en anglais, qui sort semble-t-il d’un camp de concentration…).
On peut toutefois accorder que la nouvelle, écrite en 1940, sert un fantasme qui a le mérite d’inciter à l’antinazisme dans un contexte où les États-Unis n’étaient pas encore entrés en guerre contre l’Allemagne : ridiculiser et tuer Hitler !

science-fiction et médecine
Emplacement de l’hypophyse (source).

Exposition indirecte et médecine en SF

On peut noter aussi l’utilisation de l’exposition indirecte, technique narrative que Robert Heinlein tient de Rudyard Kipling (Le Livre de la jungle), technique qui consiste à plonger progressivement le lecteur dans le monde de la fiction grâce aux dialogues, aux retours en arrière, les pensées des personnages ou des détails en arrière plan. Cela permet d’éviter les expositions fastidieuses… Heinlein a contribué à populariser cette technique dans la littérature de science-fiction. Le lecteur découvre donc le « monde parallèle » de la nouvelle essentiellement par le biais des dialogues et le point de vue interne qui permet de faire le point sur la situation des personnages, bien que Heinlein ait tendance à les multiplier sans trop de développement.
L’emploi de l’exposition indirecte est d’autant plus spécifique ici que Heinlein, lui-même de lointaine origine allemande, fait référence ici, de façon à peine voilée, à la réalité historique de la Seconde Guerre mondiale. Des éléments sont ainsi immédiatement accessibles au lecteur de l’époque (comme à celui d’aujourd’hui) : le « Guide » (« Leader ») traduit évidemment le « Führer » qui désignait Hitler, le salut « Heil » est tellement évocateur que Heinlein l’a choisi d’abord pour titre, les camps de concentration sont une référence évidente (même s’il faut noter qu’on ignorait en 1940 le détail et l’ampleur des horreurs qui s’y déroulaient), et même l’expression « détention de sûreté » (« protective custody ») est un renvoi direct à « Schutzhaft », soit la mise détention des opposants au régime avant leur transfert en camp de concentration. Heinlein préserve donc quelques ambiguïtés, en ne précisant pas, autre exemple, la religion ou la « race » du docteur Lans, ce qui peut-être la rend encore plus évidente, mais les quelques éléments de décalage ne font que renforcer, finalement, l’impression qu’Heinlein évoque le monde réel.
L’élément de science-fiction est donc en fait médical : non seulement Heinlein envisage la transplantation de l’hypophyse, chose encore inenvisageable aujourd’hui, mais il en tire le prétexte de sa chute, le transfert d’organe allant ici avec un transfert de personnalité. Le lecteur contemporain peut toutefois s’interroger sur l’ampleur du transfert, voire se montrer sceptique s’il a quelques connaissances anatomiques : l’hypophyse est une glande essentielle qui sécrète des hormones, certes, mais de là à impliquer un transfert de mémoire et de personnalité… Mais, en 1940, l’hypophyse est encore très mystérieuse et permet quelques extrapolations, aux confins de la hard sf (comme le position pour Asimov !).

lire en ligne Heil! nouvelle de Robert A. Heinlein
L’Extraction de la pierre de folie, peinture de Jan Sanders van Hemessen, entre 1550 et 1555.

HEIL!

by LYLE MONROE

« How dare you make such a suggestion! »
The state physician doggedly stuck by his position. « I would not make it, sire, if your life were not at stake. There is no other surgeon in the Fatherland who can transplant a pituitary gland but Doctor Lans. »
« You will operate! »
The medico shook his head. « You would die, Leader. My skill is not adequate. And unless the operation takes place at once, you will certainly die. »
The Leader stormed about the apartment. He seemed about to give way to one of the girlish bursts of anger that even the inner state clique feared so much. Surprisingly he capitulated.
« Bring him here! » he ordered.

DOCTOR LANS FACED THE LEADER with inherent dignity, a dignity and presence that three years of « protective custody » had been unable to shake. The pallor and gauntness of the concentration camp lay upon him, but his race was used to oppression. « I see, » he said. « Yes, I see … I can perform that operation. What are your terms? »
« Terms? » The Leader was aghast. « Terms, you filthy swine? You are being given a chance to redeem in part the sins of your race! »
The surgeon raised his brows. « Do you not think I know that you would not have sent for me had there been any other course available to you? Obviously, my services have become valuable. »
« You’ll do as you are told! You and your kind are lucky to be alive. »
« Nevertheless I shall not operate without my fee. »
« I said you were lucky to be alive— » The tone was an open threat.
Lans spread his hands. « Well—I am an old man…. »
The Leader smiled. « True. But I am informed that you have a—a family…. »
The surgeon moistened his lips. His Emma—they would hurt his Emma … and his little Rose. But he must be brave, as Emma would have him be. He was playing for high stakes—for all of them. « They cannot be worse off dead, » he answered firmly, « than they are now. »
It was many hours before the Leader was convinced that Lans could not be budged. He should have known—the surgeon had learned fortitude at his mother’s breast.
« What is your fee? »
« A passport for myself and my family. »
« Good riddance. »
« My personal fortune restored to me— »
« Very well. »
« —to be paid in gold before I operate! »
The Leader started to object automatically, then checked himself quickly. Let the presumptuous fool think so! It could be corrected after the operation.
« And the operation to take place in a hospital on foreign soil. »
« Preposterous. »
« I must insist. »
« You do not trust me? »
Lans stared straight back into his eyes without replying. The Leader struck him, hard, across the mouth. The surgeon made no effort to avoid the blow, but took it, with no change of expression.

« YOU ARE WILLING TO GO THROUGH WITH IT, SAMUEL? » The younger man looked at Doctor Lans without fear as he answered,
« Certainly, Doctor. »
« I can not guarantee that you will recover. The Leader’s pituitary gland is diseased; when I exchange it for your healthy one your younger one may not be able to stand up under it—that is the chance you take. Besides—a complete transplanting has never been done before. »
« I know it—but I’m out of the concentration camp! »
« Yes. Yes, that is true. And if you do recover, you are free. And I will attend you myself, until you are well enough to travel. »
Samuel smiled. « It will be a positive joy to be sick in a country where there are no concentration camps! »
« Very well, then. Let us commence. »
They returned to the silent, nervous group at the other end of the room. Grimly the money was counted out, every penny that the famous surgeon had laid claim to before the Leader had decided that men of his religion had no need for money. Lans placed half of the gold in a money belt and strapped it around his waist. His wife concealed the other half somewhere about her ample person.

IT WAS AN hour and twenty minutes later that Lans put down the last instrument, nodded to the surgeons assisting him, and commenced to strip off operating gloves. He took one last look at his two patients before he left the room. They were anonymous under the sterile gowns and dressings. Had he not known, he could not have guessed dictator from oppressed. Come to think of it, with the exchange of those two tiny glands there was something of the dictator in his victim and something of the victim in the dictator.

DOCTOR LANS RETURNED TO THE hospital later in the day, after seeing his wife and daughter safely settled in a first class hotel. It was an extravag[a]nce, in view of his uncertain prospects as a refugee, but they had enjoyed no luxuries for years back there—he didn’t consider it his home country—and it was justified this once.
[H)a@e inquired at the office of the hospital for his second patient. The clerk looked puzzled. « But he is not here…. »
« Not here? »
« Why, no. He was moved at the same time as His Excellency—back to your country. »
Lans did not argue. The trick was obvious; it was too late to do anything for poor Samuel. He thanked his God that he had had the foresight to place himself and his family beyond the reach of such brutal injustice before operating. He thanked the clerk and left.

THE LEADER RECOVERED CONSCIOUSNESS AT LAST. His brain was confused—then he recalled the events before he had gone to sleep. The operation!—it was over! And he was alive! He had never admitted to anyone how terribly frightened he had been at the prospect. But he had lived—he had lived! He groped around for the bellcord, and failing to find it, gradually forced his eyes to focus on the room. What outrageous nonsense was this? This was no sort of a room for the Leader to convalesce in. He took in the dirty white-washed ceiling, and the bare wooden floor with distaste. And the bed! It was no more than a cot!
He shouted. Someone came in, a man wearing a uniform of a trooper in his favorite corps. He started to give him the tongue-lashing of his life, before having him arrested. But he was cut short.
« Cut out the racket, you unholy pig! »
At first he was too astounded to answer, then he shrieked, « Stand at attention when you address the Leader! Salute! »
The trooper looked dumbfounded at the sick man—so totally different in appearance from the Leader, then guffawed. He stepped to the cot, struck a pose with his right arm raised in salute. He carried a rubber truncheon in it. « Hail to our Leader! » he shouted, and brought his arm down smartly. The truncheon crashed into the sick man’s cheek bone.
Another trooper came in to see what the noise was while the first was still laughing at his witt[i]cism. « What’s up, Jon? Say, you’d better not handle that monkey too rough—he’s still carried on the hospital list. » He glanced casually at the bloody face.
« Him? Didn’t you know? » Jon pulled him to one side and whispered.
The second man’s eyes widened; he grinned. « So? They don’t want him to get well, eh? Well, I could use a little exercise this morning— »
« Let’s get Fats, » the other suggested. « He’s always so very amusing with his ideas. »
« Good idea. » He stepped to the door and bellowed, « Hey, Fats! »
They didn’t really start in on him until Fats was there to help.

THE END