
« Speech on a Summer Night » est un poème de Katie Peterson, tiré de son recueil A Piece of Good news (2019), considéré par le New York Times comme « l’un des meilleurs recueils de poésie de 2019 ». En France, une partie du recueil a été traduite pour l’anthologie bilingue Douceur en plein visage (Cheyne, 2024), préfacée par Louise Glück.
Je propose ci-dessous deux traductions personnelles du poème, suivie d’une traduction d’Aude Pivin, du texte américain et d’un bref commentaire.
Discours lors d’une nuit d’été
Comment entamerai-je la description de ce que c’était ? C’était un temps terrible
pour être à cheval. Ce n’était pas une famille. Je n’avais aucun frère.
Personne ne m’informait au sujet du vent. L’animal maintenait notre hon-
nêteté. Je croyais surtout à l’amitié, ses promesses et décep-
tions. J’avais pour ça des espérances, des attentes. Je tombais amoureuse
trop tard de ce que j’aimais.
Discours au sujet d’une nuit d’été
Comment m’y prendre pour décrire ce que ce fut ? Ce fut une époque épouvantable
pour monter à cheval. Ce n’était pas une famille. Je n’avais aucun frère.
Personne ne m’avertit au sujet du vent. L’animal nous contraignit à l’hon-
nêteté. Je crus d’abord en l’amitié, ses promesses et désil-
lusions. J’eus pour elle des espoirs, des attentes. Je tombai amoureuse
trop tard de ce que j’aimais.
La traduction ci-après est celle d’Aude Pivin pour l’anthologie Douceur en plein visage, dans la partie consacrée au recueil Nouvelle providentielle. « Speech on a Summer Night » et sa traduction se trouvent p.88-89.
Discours par une nuit d’été
Comment commencer à décrire ce que c’était ? C’était horrible
d’être sur un cheval. Ce n’était pas une famille. Je n’avais aucun frère.
Personne ne m’avait dit pour le vent. L’animal préservait notre hon-
nêteté. Je croyais le plus en l’amitié, ses promesses et désil-
lusions. J’avais des espoirs, des attentes. Je suis tombée en amour
trop tard avec ce que j’aimais.
Speech on a Summer Night
How do I begin to describe what it was ? It was a terrible time
to be on a horse. It wasn’t a family. I had no brothers.
No one told me about the wind. The animal kept us hon-
est. I believed most in friendship, its promises and disap-
pointments. I had hopes for it, expectations. I fell in love
too late with what I loved.

Commentaire
Faute d’informations factuelles concernant le poème, je ne me permettrai ici que quelques conjectures. « I’ve been trying to read King Lear » écrit Katie Peterson dans un autre poème (« Spring », recueil The Accounts, 2013) , et c’est curieusement à la pièce Richard III de Shakespeare que me fait penser « Speech on a Summer Night », sans doute avec la phrase : » It was a terrible time / to be on a horse », comme un écho à la fameuse réplique : “A horse, a horse, my kingdom for a horse!” (Richard III, acte 5, scène 4, vers 13), temps terrible pour le roi anglais, en effet, puisqu’il est celui de sa défaite ; et il n’avait plus de frères (« no brothers », dit le poème). La pièce par ailleurs s’ouvre sur une mention de l’été : « — Donc, voici l’hiver de notre déplaisir — changé en glorieux été par ce soleil d’York ; — voici tous les nuages qui pesaient sur notre maison — ensevelis dans le sein profond de l’Océan ! » (Richard III, acte I, scène 1, traduction de François-Victor Hugo).
Mais n’allons peut-être pas trop chercher Shakespeare dans un poème au lyrisme énigmatique, certes, mais qui donne l’impression d’un prosaïsme simple par sa mise en forme et la brièveté des phrases, impression après impression qui répondent de façon abstraite à la question posée, le regret l’emportant dans la réponse sur toute évocation nostalgique : faute de famille, la locutrice s’est tournée vers l’amitié et a manqué l’amour, semble-t-il. Le dernier vers tient quelque peu de la maxime, de ce point de vue, l’été invitant pour ainsi dire au bilan personnel. D’ailleurs, l’été est-il ici le moment du poème (« lors »), ou en fait le sujet ?