Thomas Seymour, un destin romanesque au temps des Tudors

« Vois-tu Gilbert, l’homme qui sait le mieux l’histoire de ce temps-ci, c’est le guichetier de la tour de Londres » 

Victor Hugo, Marie Tudor p.68

L’époque moderne est une source d’inspiration sans limite pour les créatifs en tout genre : peintres, poètes, romanciers… Né en 1564, William Shakespeare doit beaucoup à l’époque qui l’a vu naître et dont les pièces n’ont (presque) pas pris une ride. Adorateur du génie anglais, notre Victor Hugo national a écrit de nombreuses intrigues se déroulant au XVIème siècle, dont Marie Tudor, la reine anglaise qui a donné son nom au Bloody Mary (comment appâter les amateurs de cocktails !).

Parmi des dizaines de personnages historiques ultracélèbres – d’Henri VIII « barbe bleue » jusqu’à l’incontournable D’Artagnan – un noble anglais aurait pu tirer la couverture à lui : Lord Thomas Seymour. Quasi inconnu au bataillon (en tout cas en France, ou à la rigueur par les fans de la série Tudors de 2007), nous verrons que notre nouvel ami a vécu une vie typiquement tragico-romanesque. Comme une foule de nobles british, sa vie fut « raccourcie » sur le billot ; il s’est même permis de fesser une future reine d’Angleterre (comment appâter les lecteurs coquins !) !

Thomas Seymour en peinture revisitée
Vraiment badass ce Thomas

Témoin de la renaissance en Angleterre à coups de haches, Seymour incarne son époque. La rapide analyse de sa vie nous permettra de réviser nos bases en Histoire anglaise à travers nos yeux de descendants de Jeanne d’Arc (ou presque). Et comme tout bon lecteur de fable le sait, ce récit nous amènera peut-être à réfléchir à une morale universelle et transcendante (comment appâter les lecteurs zens !).

Jeune cadet d’une famille en quête de pouvoir

Comme tout bon début de roman, la vie de Thomas commence sur une incertitude : sa date de naissance est approximativement 1508. L’année suivant sa naissance, un célèbre roi monte sur le trône, Henri VIII d’Angleterre. Connu pour son appétit pour les bonnes chairs (entre le gigot et la fesse), le roi est aussi connu pour sa rupture totale avec le pape. En 1532, il se donne le titre de « chef suprême de l’Église en Angleterre (principalement pour pouvoir divorcer de Catherine d’Aragon).

À l’inverse, sa famille est très bien connue : Thomas est le 4ème fils de John Seymour, grand noble anglais et courtisan du roi au palais de Westminster. C’est sa sœur, Jeanne Seymour, qui va changer le destin des siens. En effet, elle devient la 3ème femme d’Henri VIII après la décapitation d’Anne Boleyn, à la plus grande joie de John, son papa. Bien qu’elle ne fût reine qu’un peu plus d’un an (1536-7), elle est la seule parmi les six femmes du roi (!) à donner un enfant mâle à son mari bien-aimé (?).
 
De son côté, Thomas voit d’un mauvais œil l’ascension de son frère ainé Edward Seymour dont l’influence n’ira qu’en grandissant jusqu’au conseil royal. Du côté sentimental, notre jaloux va aussi subir un revers… En 1543, Tom tombe amoureux de Catherine Parr, jeune veuve de 31 ans, très intelligente et digne. C’est le roi lui-même (et son gros appétit) qui lui prend Catherine qui sera sa dernière épouse (et il ne la tue pas !).
 
Catherine Parr, sixième femme d'Henri VIII
Catherine a accepté de se marier avec Barbe bleue… (après 5 « divorces »)

De manière tragiquement romanesque, Jeanne mourut en couches. Selon la légende, son royal mari aurait insisté pour lui faire une césarienne pour éviter une fausse couche. Tout semble compromis chez les Seymour mais point du tout ! Henri VIII organisa de grandes funérailles pour le décès de Jeanne et garda toujours un tendre souvenir d’elle. En 1547, il sera enterré à ses côtés, symbolisant le passage de témoin au tout jeune Edouard VI, fils unique de Jeanne Seymour

Un pouvoir qui monte à la tête

Le 28 janvier 1547, Henri VIII meurt à 55 ans, lançant un bon gros merdier derrière lui : entre les conflits de succession mais aussi religieux (entre catholiques, anglicans et radicaux protestants), l’avenir du pays n’est pas rose [1]. Les Seymour peuvent laisser éclater leur joie car c’est donc l’unique fils (légitime) d’Henri qui monte sur le trône à seulement 10 ans : Edouard VI (le neveu de Tom donc) ! Toujours troublées, les périodes de régence le sont et celle-ci ne va manquer à la règle… (comme celle de Saint Louis)

Edouard VI, roi sans règne
Le jeune roi Edouard VI ne pourra jamais réellement régner…

C’est l’heure de passer à la caisse pour les Seymour. Surtout pour le frère ainé Edward qui va approcher les sommets… Contrôlant fermement le jeune monarque (son neveu), il gouverne en son nom et accumule les titres : duc de Somerset mais surtout « lord-protecteur d’Angleterre ». Toute cette gloire va très fortement siffler aux oreilles de notre Thomas. Celui-ci va tout tenter, même les actions les plus osées pour remplacer son frère au sommet (Remus sors de ce corps !).

« Grand, bien bâti, avec une barbe en pointe et des cheveux auburn », Thomas ne pense qu’à récupérer Catherine, dont l’idylle avait été perturbée par Henri VIII. Bien qu’ « aucune femme ne lui résist(â)t », il ne pense qu’à elle et arrive enfin à l’épouser secrètement (évidemment…) en avril 1547 (avec l’aide de son puissant frère). Cet événement fut un déclic pour lui : (très) bien accompagné, il se sent pousser des ailes mais comme pour Icare, la cire coulera en s’approchant trop près du soleil.

Comploter n’est pas jouer…

Éminemment respectée, Catherine se voit confier la garde de deux jeunes femmes aux destins célèbres mais si différents : la princesse Elisabeth (demi-sœur du roi Edouard VI) et lady Jeanne Grey (sa jeune cousine de sang royal). Ce suprême privilège va monter à la tête des deux jeunes mariés. Très vite, les rumeurs vont bon train sur leur relation avec la jeune Elisabeth (née en 1533 et donc adolescente ici). Thomas et sa femme maniganceraient-ils un changement de souverain en leur faveur ?

Elisabeth Ire par Christopher Hibbert
Le surnom d’Elisabeth Ire « Virgin Queen » est beaucoup plus drôle maintenant
 
De plus, Tom se fait mal voir car il prend l’habitude d’entrer chez la princesse quand il veut (même avant qu’elle ne soit prête). Une gouvernante a même affirmé avoir été témoin d’une relation charnelle entre la pupille et son tuteur [2]… Catherine a souvent laissé faire mais Thomas décide au bout d’une année environ de l’envoyer dans le Hertfordshire (campagne au nord de Londres). Celle-ci meurt en couches en 1528 (de son 1er enfant…), et le destin de son infortuné époux semble scellé… Thomas s’enferme définitivement dans son projet de coup d’état et magouille même avec des pirates pour financer ses rêves de grandeur… Fin 1548, il est accusé de corruption et son régent-frère tente de lui sauver la mise malgré sa trahison. Mais notre fieffé ami va franchir la ligne rouge… Dans la nuit du 16 janvier 1549, il tente de kidnapper le jeune roi, mais échoue à cause d’un épagneul qui réveille tout le palais. Le comploteur est arrêté et son frère va devoir sévir…
 
Thomas Seymour ami avec les pirates
Proche ami de Tom
Épilogue

Accusé de 33 charges d’accusation (bel effort), Thomas Seymour est condamné à mort par le Conseil royal le 22 janvier 1549. Le coup du bourreau tombe dans l’enceinte de la Tour de Londres (célèbre prison royale). Le roi Edouard VI pleure « son oncle préféré » bien que son oncle Edward ait tenté de ralentir la cruelle décision. Son destin sera malheureusement identique à celui de son frère…

En effet, le lord protecteur est arrêté pour haute trahison le 11 octobre 1549. Il est accusé d’avoir créé des impôts insupportables mais peut-être aussi que le jeune roi a eu son mot à dire à cause de la mort de Thomas… Ce dernier roi Edouard VI mourra très jeune en 1553 et Jeanne Grey (2ème pupille de Catherine et Thomas) deviendra reine pour seulement 9 jours ! Bloody Mary est passée par là…

Barry Lyndon image de Thomas Seymour ?
Ne me dites pas que son destin ne vous fait pas penser à Barry Lyndon ? (regardez ce film)

Notes 

[1] La preuve en est que trois enfants issus de trois femmes différentes vont se succéder entre 1547 et 1603. Edouard VI (1547-1553) fils de Jeanne Seymour, Marie (1553-1558) fille de Catherine d’Aragon et Elisabeth Ière (1558-1603)

[2] Témoignage sordide mais à mettre entre guillemets car la gouvernante a ensuite renié ses propos ensuite. Sûrement un coup d’Elisabeth Ier pendant son long règne (complot sors de ce blog).