géographe de Vermeer

The Book (le Livre) est le titre d’une nouvelle inachevée et d’un poème de Lovecraft, l’un et l’autre présentant des thèmes et des éléments narratifs communs. C’est que le poème, un sonnet qui fera partie du recueil Fungi de Yuggoth, a précédé le récit ! Voici l’occasion pour les amateurs de Lovecraft de découvrir un peu comment celui-ci travaillait, par association d’idées, d’images, et par recombinaison de thèmes et de motifs déjà mis en œuvre. Je propose donc ci-dessous une traduction personnelle de la nouvelle, suivie d’une traduction et adaptation en alexandrins rimés du sonnet Le livre. En complément, on trouvera également les sonnets Poursuite et La clé qui constituent une suite également utilisée dans la nouvelle, le tout suivi d’un bref commentaire et des textes en anglais (américain).

Vermeer, Le Géographe, 1668-1669.

Le livre

Mes souvenirs sont fort confus. Quant à savoir où ils commencent, cela est bien douteux : car parfois je sens s’étendre derrière moi des années d’horribles perspectives , tandis qu’il semble d’autres fois que le moment présent soit un point isolé dans une infinité grise, informe. Je ne suis pas même certain de la façon dont je transmets ce message. Tout en sachant que je parle, j’ai l’impression vague que quelque étrange et peut-être terrible médiation sera nécessaire pour porter ce que je dis aux endroits où je souhaite  être entendu. Mon identité, elle aussi, est étonnamment nébuleuse. Je parais avoir subi un grand choc — peut-être dû à quelque conséquence absolument monstrueuse de mes cycles d’expérience unique, incroyable.
Ces cycles d’expérience, bien entendu, sont dus tous à ce livre mangé par les vers. Je me souviens du moment où j’en fis la découverte — en un endroit obombré près de la rivière noire et huileuse, sur laquelle tournoient sans cesse les brumes. Ce lieu était fort ancien, et les étagères emplies d’ouvrages moisis montaient jusqu’au plafond, s’étendaient sans fin des alcôves et des pièces en enfilade. Il y avait en outre, sur le sol et dans de grossières boîtes, des monceaux informes de livres ; et ce fut dans l’une de ces boîtes que je découvris la chose. Je n’en connus jamais le titre, car les premières pages manquaient ; mais elle tomba, s’ouvrit vers la fin, me donnant à entrevoir quelque chose qui me mit les nerfs à vif.
Mes souvenirs sont fort confus. Quant à savoir où ils commencent, cela est bien douteux : car parfois je sens s’étendre derrière moi des années d’horribles perspectives , tandis qu’il semble d’autres fois que le moment présent soit un point isolé dans une infinité grise, informe. Je ne suis pas même certain de la façon dont je transmets ce message. Tout en sachant que je parle, j’ai l’impression vague que quelque étrange et peut-être terrible médiation sera nécessaire pour porter ce que je dis aux endroits où je souhaite  être entendu. Mon identité, elle aussi, est étonnamment nébuleuse. Je parais avoir subi un grand choc — peut-être dû à quelque conséquence absolument monstrueuse de mes cycles d’expérience unique, incroyable.
Il y avait là une formule — sorte de liste de choses à dire ou à faire — dont je reconnus qu’elle était sinistre et interdite ; au sujet de quoi j’avais lu auparavant, dans de brefs paragraphes où l’horreur se mêlait à la fascination, rédigés par ces étranges et antiques explorateurs des secrets que garde l’univers, eux dont j’adore engloutir les textes. C’était une clef — un guide — menant à certains passages et portiques dont les mystiques ont rêvé et murmuré depuis l’enfance de la race humaine, et qui aboutit à des libertés et découvertes au-delà des trois dimensions, des royaumes du vivant et de la matière dont nous avons connaissance. Durant des siècles, aucun homme ne s’était souvenu de sa substance vitale, ni n’avait su où la trouver, mais ce livre était très vieux, en effet. Nulle presse typographique, mais bien la main de quelque moine à moitié fou avait tracé ces funestes phrases latines en lettres onciales, issue d’une antiquité merveilleuse.
Je me souviens de la façon qu’eut le vieillard de lorgner et de ricaner, et de faire un curieux signe de la main lorsque j’emportai l’objet. Il avait refusé tout paiement, et ce ne fut que longtemps après que je compris pourquoi. Comme je me hâtai de rentrer chez moi, à travers ces rues portuaires étroites, venteuses, dissimulées dans les brumes, j’eus l’impression affreuse d’être suivi furtivement, par un doux bruit de pattes légères. Les maisons séculaires chancelaient de part et d’autre, semblant animées d’une malignité morbide et toute récente — comme si jusqu’alors quelque chenal de maléfique intelligence avait brusquement été ouvert. Je sentis que ces murs et gâbles en surplomb, aux briques couvertes de moisissure et au plâtre envahi par les champignons — les losanges aux fenêtres paraissaient des yeux, qui guettaient — renonçaient difficilement à s’avancer pour m’écraser… cependant je n’avais lu que le fragment le plus infime de cette rune blasphématoire, avant de refermer le livre et de l’emporter.
Je me souviens de la façon dont enfin je lis le livre — blême, enfermé dans le grenier que j’avais depuis longtemps dédié à d’étranges recherches. La grande maison restait fort silencieuse, car je n’étais pas monté avant qu’il fût minuit. Je crois qu’alors j’avais une famille — bien que les détails soient très incertains — et je sais qu’il y avait de nombreux domestiques. De quelle année il s’agissait précisément, je ne puis le dire ; car depuis lors j’ai connu bien des âges et des dimensions, et toutes mes notions du temps ont été dissoutes et remodelées. Ce fut à la lumière des bougies que je lus — je me souviens de l’égouttement continuel de la cire — et des carillons qui de temps à autre retentissaient, depuis de lointains beffrois. Je semble garder en mémoire ces carillons avec une attention particulière, comme si je redoutais d’entendre parmi eux quelque note vague et insidieuse.
Alors advinrent les premiers grattement et grognement à la lucarne qui s’ouvrait bien au-dessus des autres toits de la ville. Ils survinrent tandis que je psalmodiais tout haut le neuvième verset de ce lai primitif, et pris de frissons je sus ce qu’ils signifiaient. Car celui qui franchit les portails obtient toujours une ombre, et plus jamais ne peut être seul. J’avais invoqué — et le livre en effet était tout ce que j’avais soupçonné. Cette nuit-là je franchis le portail et parvins dans un vortex où le temps et la vue se déformaient, et quand le matin me trouva dans le grenier, je vis dans les murs, les étagères et les armatures ce que je n’y avais jamais vu auparavant.
Je fus d’ailleurs incapable par la suite de voir le monde tel que je l’avais connu. Mêlé au décor du présent se trouvait toujours un fragment du passé, un fragment du futur, et tout objet jadis familier paraissait autre, dans la nouvelle perspective qu’apportait ma vue élargie. À partir de cet instant, je déambulais dans un rêve fantastique aux formes inconnues ou méconnaissables ; à chaque portail franchi, je reconnaissais de moins en moins clairement les choses de l’étroite sphère à laquelle j’avais été lié si longtemps. Ce que je voyais autour de moi, personne d’autre ne le voyait ; et je devins doublement silencieux et distant, de crainte sinon de passer pour fou. Les chiens avaient peur de moi, car ils sentaient l’ombre d’ailleurs qui ne quittait jamais mon côté. Mais je poursuivais mes lectures — dans des livres cachés, oubliés, dans des rouleaux de parchemin à quoi ma vision changée me conduisait — et je traversais de nouveaux portails d’espace et d’existence et de trames du vivant vers le cœur du cosmos inconnu.
Je me souviens de la nuit où je traçai sur le sol les cinq cercles concentriques de feu, et me tins dans le plus intérieur à psalmodier la monstrueuse litanie qu’avait apportée le messager de Tartarie. Les murs disparurent lentement, et je fus enlevé dans un vent noir à travers les gouffres d’un gris insondable, bien des miles au-dessous de moi se dressant les sommets de montagnes inconnues. Au bout d’un moment il n’y eut plus que l’obscurité la plus complète, puis la lumière de myriade d’étoiles qui formèrent des constellations étranges, d’un autre monde. Au-dessous de moi, je vis finalement une plaine baignée dans une lueur verte, sur laquelle je discernai les tours tordues d’une cité bâtie d’une façon que je n’avais jamais connue ni rêvée, ni trouvée dans un livre. Alors que je m’approchais de cette cité en flottant, j’aperçus le grand carré d’un bâtiment en pierre, érigé dans un lieu dégagé, et me sentis saisi d’une peur atroce. Je hurlai et me débattis, puis, après une période d’inconscience, je me trouvai de nouveau dans mon grenier, étalé de tout mon long sur le sol et les cinq cercles phosphorescents. Il n’y avait pas, en cette nuit d’errance, plus d’étrangeté qu’au cours de bien d’autres qui avaient précédé ; mais il y avait davantage de terreur parce que je savais m’approcher plus que jamais de ces mondes et abîmes extérieurs. Par la suite, je me montrai plus prudent avec mes incantations, car je n’avais nul désir de m’être séparé de mon corps et de la terre pour être précipité dans des abysses d’où je ne pourrais jamais revenir…

Trois sonnets des Fungi de Yuggoth

I. Le livre

L’endroit ténébreux, poussiéreux, était perdu
Dans un dédale ancien qui donnait sur les quais
Où la mer apportait ses dons et leur fumet,
Où les vents d’ouest poussaient un nuage inattendu.

Les carreaux, noircis par le givre et la vapeur,
Montraient mal les livres, en monceaux d’arbres tors
Pourrissant du sol au plafond — une pléthore
D’anciens savoirs abîmés, de peu de valeur.

J’entrai, séduit, d’entre des toiles d’araignée
M’emparai d’un volume afin de feuilleter,
Saisi par d’étranges mots semblant consigner

Un secret, monstrueux pour qui l’interprétait.
Puis, cherchant un vendeur pour conclure l’achat,
Je ne trouvai qu’une voix riant aux éclats.

II. Poursuite

Je gardai le livre caché, avec effort,
Car pareils environs ont des regards pour tout ;
Je m’empressais par les anciennes rues du port
D’un pas nerveux et l’œil qui bondissait partout.

De ternes fenêtres en leurs briques branlantes
M’épiaient d’un air louche, et je marchais plus vite,
Songeant à leurs secrets, une fièvre brûlante
Me prenant de revoir le ciel bleu sans limite.

Nul ne m’avait vu prendre l’ouvrage — pourtant
L’écho d’un rire creux me vrillait la cervelle,
Et je devinai quels mondes noirs et souffrants

Guettaient dans le volume, objet d’envie cruelle.
Le chemin et les murs follement s’étiraient —
Invisibles après moi venaient des pas feutrés.

III. La clé

Je ne sais quels détours dans ces déliquescences
Du curieux bord de mer me menèrent chez moi,
Mais tremblant sur le seuil, je blêmis d’impatience
De me trouver enfin à l’abri sous mon toit.

J’avais le livre qui indiquait le chemin
Entre vide et parois suspendus dans l’espace,
Contenant les mondes sans dimension ni fin,
Et gardant les éons à leur exacte place.

Je possédais la clé de ces vagues visions
De flèches au couchant, de bois crépusculaires
Dans des gouffres par-delà toute description,

Tels des souvenirs d’infini qui se resserrent.
La clé m’appartenait, mais comme j’ânonnais,
La fenêtre au grenier se mit à résonner.

Pour en lire plus :

Les amateurs de Lovecraft pourront lire ma traduction de poèmes de Lovecraft, dont les trois sonnets ci-dessus dans une version en prose et l’ensemble de son recueil Fungi de Yuggoth, dans la collection poésie des éditions Points (parution mars 2024) ; à commander par exemple ici :

https://www.placedeslibraires.fr/livre/9791041411009-fungi-de-yuggoth-et-autres-poemes-howard-phillips-lovecraft/

couverture Fungi de Yuggoth Lovecraft
Illustration de Borja González.

Commentaire :

Lovecraft écrit sa nouvelle « The Book » probablement à la fin de l’année 1933, mais la laisse inachevée. Elle est publiée après sa mort, en 1938, dans le magazine pulp Leaves dirigé par son ami Robert H. Barlow dont il est l’exécuteur testamentaire.
Si l’on sait peu de choses sur le projet envisagé par Lovecraft, il paraît plus que probable qu’il tente d’adapter au moins quelques-uns des poèmes qui composeront son recueil Fungi from Yuggoth (lui aussi posthume). Trois sonnets en particulier sont visiblement utilisés : The BookPursuit et The Key, qui avaient été publiés dans le magazine pulp Weird Tales. Ces trois poèmes sont d’ailleurs considérés comme à part dans la suite de trente-six sonnets qui composent les Fungi de Yuggoth, puisqu’ils peuvent être lus comme un enchaînement cohérent : on ne s’étonne donc pas que Lovecraft puisse avoir eu la tentation de transposer des poèmes essentiellement narratifs sous forme d’un récit bref. Ce passage d’un genre à l’autre, qui implique de conserver des éléments clés pour les recombiner, les métamorphoser, paraît d’ailleurs assez typique de la manière de Lovecraft.
Mais la nouvelle est abandonnée, ce qui permet toutes sortes de spéculations : on peut simplement constater que l’intrigue dépasse quelque peu celle esquissée par les poèmes, que le thème du voyage vers des contrées inaccessibles est récurrent chez Lovecraft (on peut songer à La Quête onirique de Kadath l’inconnue (The Dream-Quest of Unknown Kadath, bref roman écrit entre 1926 et 1927, peut-être issu d’un autre projet abandonné, Azathoth). On remarquera également que le livre qui donne son titre à la nouvelle n’est pas nommé, mais a des points communs avec le fameux Necronomicon.
Le lecteur d’Edgar Allan Poe, admiré par Lovecraft, pourra aussi songer à l’atmosphère et à certains éléments au poème narratif The Raven (1845), que Mallarmé traduit en prose 1875 et donc voici les premières lignes (soit la première strophe) :
Une fois, par un minuit lugubre, tandis que je m’appesantissais, faible et fatigué, sur maint curieux et bizarre volume de savoir oublié — tandis que je dodelinais la tête, somnolant presque : soudain se fit un heurt, comme de quelqu’un frappant doucement, frappant à la porte de ma chambre — cela seul et rien de plus.

Le magazine pulp Leaves, n°2, où fut d’abord publié The Book en 1938. 66 pages, pour une centaine exemplaires parus !

The Book

My memories are very confused. There is even much doubt as to where they begin; for at times I feel appalling vistas of years stretching behind me, while at other times it seems as if the present moment were an isolated point in a grey, formless infinity. I am not even certain how I am communicating this message. While I know I am speaking, I have a vague impression that some strange and perhaps terrible mediation will be needed to bear what I say to the points where I wish to be heard. My identity, too, is bewilderingly cloudy. I seem to have suffered a great shock—perhaps from some utterly monstrous outgrowth of my cycles of unique, incredible experience.
These cycles of experience, of course, all stem from that worm-riddled book. I remember when I found it—in a dimly lighted place near the black, oily river where the mists always swirl. That place was very old, and the ceiling-high shelves full of rotting volumes reached back endlessly through windowless inner rooms and alcoves. There were, besides, great formless heaps of books on the floor and in crude bins; and it was in one of these heaps that I found the thing. I never learned its title, for the early pages were missing; but it fell open toward the end and gave me a glimpse of something which sent my senses reeling.
There was a formula—a sort of list of things to say and do—which I recognized as something black and forbidden; something which I had read of before in furtive paragraphs of mixed abhorrence and fascination penned by those strange ancient delvers into the universe’s guarded secrets whose decaying texts I loved to absorb. It was a key—a guide—to certain gateways and transitions of which mystics have dreamed and whispered since the race was young, and which lead to freedoms and discoveries beyond the three dimensions and realms of life and matter that we know. Not for centuries had any man recalled its vital substance or known where to find it, but this book was very old indeed. No printing-press, but the hand of some half-crazed monk, had traced these ominous Latin phrases in uncials of awesome antiquity.
I remember how the old man leered and tittered, and made a curious sign with his hand when I bore it away. He had refused to take pay for it, and only long afterwards did I guess why. As I hurried home through those narrow, winding, mist-cloaked waterfront streets I had a frightful impression of being stealthily followed by softly padding feet. The centuried, tottering houses on both sides seemed alive with a fresh and morbid malignity—as if some hitherto closed channel of evil understanding had abruptly been opened. I felt that those walls and over-hanging gables of mildewed brick and fungoid plaster and timber—with eyelike, diamond-paned windows that leered—could hardly desist from advancing and crushing me…yet I had read only the least fragment of that blasphemous rune before closing the book and bringing it away.
I remember how I read the book at last—white-faced, and locked in the attic room that I had long devoted to strange searchings. The great house was very still, for I had not gone up till after midnight. I think I had a family then—though the details are very uncertain—and I know there were many servants. Just what the year was I cannot say; for since then I have known many ages and dimensions, and have had all my notions of time dissolved and refashioned. It was by the light of candles that I read—I recall the relentless dripping of the wax—and there were chimes that came every now and then from distant belfries. I seemed to keep track of those chimes with a peculiar intentness, as if I feared to hear some very remote, intruding note among them.
Then came the first scratching and fumbling at the dormer window that looked out high above the other roofs of the city. It came as I droned aloud the ninth verse of that primal lay, and I knew amidst my shudders what it meant. For he who passes the gateways always wins a shadow, and never again can he be alone. I had evoked—and the book was indeed all I had suspected. That night I passed the gateway to a vortex of twisted time and vision, and when morning found me in the attic room I saw in the walls and shelves and fittings that which I had never seen before.
Nor could I ever after see the world as I had known it. Mixed with the present scene was always a little of the past and a little of the future, and every once-familiar object loomed alien in the new perspective brought by my widened sight. From then on I walked in a fantastic dream of unknown and half-known shapes; and with each new gateway crossed, the less plainly could I recognise the things of the narrow sphere to which I had so long been bound. What I saw about me, none else saw; and I grew doubly silent and aloof lest I be thought mad. Dogs had a fear of me, for they felt the outside shadow which never left my side. But still I read more—in hidden, forgotten books and scrolls to which my new vision led me—and pushed through fresh gateways of space and being and life-patterns toward the core of the unknown cosmos.
I remember the night I made the five concentric circles of fire on the floor, and stood in the innermost one chanting that monstrous litany the messenger from Tartary had brought. The walls melted away, and I was swept by a black wind through gulfs of fathomless grey with the needle-like pinnacles of unknown mountains miles below me. After a while there was utter blackness, and then the light of myriad stars forming strange, alien constellations. Finally I saw a green-litten plain far below me, and discerned on it the twisted towers of a city built in no fashion I had ever known or read or dreamed of. As I floated closer to that city I saw a great square building of stone in an open space, and felt a hideous fear clutching at me. I screamed and struggled, and after a blankness was again in my attic room sprawled flat over the five phosphorescent circles on the floor. In that night’s wandering there was no more of strangeness than in many a former night’s wandering; but there was more of terror because I knew I was closer to those outside gulfs and worlds than I had ever been before. Thereafter I was more cautious with my incantations, for I had no wish to be cut off from my body and from the earth in unknown abysses whence I could never return . . .

I. The Book 

The place was dark and dusty and half-lost
In tangles of old alleys near the quays,
Reeking of strange things brought in from the seas,
And with queer curls of fog that west winds tossed.
Small lozenge panes, obscured by smoke and frost,
Just shewed the books, in piles like twisted trees,
Rotting from floor to roof—congeries
Of crumbling elder lore at little cost.

I entered, charmed, and from a cobwebbed heap
Took up the nearest tome and thumbed it through,
Trembling at curious words that seemed to keep
Some secret, monstrous if one only knew.
Then, looking for some seller old in craft,
I could find nothing but a voice that laughed.

II. Pursuit

I held the book beneath my coat, at pains
To hide the thing from sight in such a place;
Hurrying through the ancient harbor lanes
With often-turning head and nervous pace.
Dull, furtive windows in old tottering brick
Peered at me oddly as I hastened by,
And thinking what they sheltered, I grew sick
For a redeeming glimpse of clean blue sky.

No one had seen me take the thing—but still
A blank laugh echoed in my whirling head,
And I could guess what nighted worlds of ill
Lurked in that volume I had coveted.
The way grew strange—the walls alike and madding—
And far behind me, unseen feet were padding.

III. The Key

I do not know what windings in the waste
Of those strange sea-lanes brought me home once more,
But on my porch I trembled, white with haste
To get inside and bolt the heavy door.
I had the book that told the hidden way
Across the void and through the space-hung screens
That hold the undimensioned worlds at bay,
And keep lost aeons to their own demesnes.

At last the key was mine to those vague visions
Of sunset spires and twilight woods that brood
Dim in the gulfs beyond this earth’s precisions,
Lurking as memories of infinitude.
The key was mine, but as I sat there mumbling,
The attic window shook with a faint fumbling.